Textes mis en ligne le 20 février 2003, par Kawthar GRAR, dans le cadre du cours HAR1830 Les arts en Nouvelle-France, au Québec et dans les Canadas avant 1867. Aucune vérification linguistique n'a été faite pour contrôler l'exactitude des transcriptions effectuées par l'équipe d'étudiants.
Biographie - Cinq-Mars, Alonzo 1937a
Bibliographie de Jacques Robert, n° 219
Almanach de l'Action sociale catholique, vol. 21 (1937), p. 80.
Alonzo Cinq-Mars
CEUX qui ont été témoins des premières années de notre École des Beaux-Arts, se rappellent l'activité débordante et du directeur et des élèves.
Parmi les derniers, il y avait un journaliste dont ses camarades reconnaissaient spontanément les aptitudes artistiques, M. Alonzo Cinq-Mars. Aptitudes pour le modelage, sans doute; mais aussi pour le dessin, pour la musique, voire pour la poésie.
Pour ma part, j'ai encore dans les yeux certains portraits d'Enfants et des Joueurs de dames, exécutés au crayon avec une justesse de trait remarquable; et j'entends encore certaines mélodies que M. Cinq-Mars fredonnait spirituellement; et je me souviens de certaines strophes qui me berçaient délicieusement - au temps où je lisais des vers…
Depuis son stage à l'École des Beaux-Arts, M. Cinq-Mars a fait fructifier ses talents. Il a publié un volume de poèmes, De l'aube au midi; il s'est sans cesse intéressé à la musique; et il a cultivé amoureusement la sculpture, plus précisément le modelage. Dans ce domaine, il s'est développé sans à coups, avec une lenteur qui témoigne de sa conscience artistique, de ses recherches et de son goût du fini. Son art tient dans cette constatation: il est probe. L'artiste ne vise pas au pittoresque ni au débraillé, comme bien des sculpteurs d'aujourd'hui; pas plus à l'exactitude photographique qu'à la fausse élégance des fabricants de médailles et de pièces de monnaie. Il veut faire vrai; il cherche à se rapprocher de la nature sans la suborner par une interprétation qu'il serait tenté de croire abusive ou inconvenante. Et si un sentiment personnel se fait jour dans quelqu'une de ses œuvres, c'est qu'il est manifestement conforme au sujet.
L'art probe de M. Cinq-Mars est en même temps un art sans prétentions. Point de virtuosité; point de tours de force. L'artiste s'exprime simplement dans le vocabulaire traditionnel du sculpteur. Il n'invente point de procédés, mais il se sert habilement de ceux qu'il connaît bien. Il ne crée pas peut-être, mais il raconte, et avec combien de naturel parfois.
On en jugera par les quatre gravures que nous publions ici. Ces œuvres n'ont pas la même tenue, assurément. Les deux médaillons de personnages officiels se ressentent du labeur de seconde main que l'artiste a dû s'imposer: les figures manquent de vie; le modelé est un peu laborieux; et si la ressemblance ne laisse rien à désirer, c'est une ressemblance toute matérielle, peu ou point psychologique.
Il n'en est pas ainsi des deux autres œuvres.
Le buste de Samuel Genest, contrôleur des écoles séparées d'Ontario, est plein de vie; exécuté ad vivum, il est empreint d'une certaine rouerie bourgeoise, d'une bonhomie à la fois fine et discrète. C'est un brave homme d'un âge héroïque; ou plutôt d'une époque vagement romantique, d'une époque qui produisait, comme par enchantement, des hommes décidés à suivre jusqu'au bout une ligne de conduite qui épouserait beaucoup mieux leurs tendances raciques que leurs préférences personnelles…
Le profil de Pamphile Le May est la plus belle œuvre de M. Cinq-Mars. Le poète de Lotbinière n'est pas ici poétisé à plaisir. C'est, lui aussi, un brave homme vieilli par les inquiétudes, porté au recueillement ; un homme qui a puisé les joies de l'existence et qui en a jaugé le caractère provisoire; un homme intelligent, d'une humanité à la fois revêche et résignée; un homme qui, parvenu au terme de sa vie, se dépouille de ses animosités sans renoncer à une certaine amertume qu'il s'en voudrait de ne pas faire paraître. C'est donc un portrait psychologique qu'a esquissé M. Cinq-Mars. Et tout, dans ce médaillon prouve la compréhension parfaite du modelé: le coup de pouce est nerveux, le relief est fin sans mollesse, le modelé est menu sans fadeur.
