l'émigration des orfèvres français au Québec
et ses conséquences sur l'orfèvrerie québécoise
par Robert DEROME, professeur honoraire d'histoire de l'art, 2011-2023.
Ce site est issu d'une conférence prononcée au Musée Dobrée à Nantes, lors d'un colloque tenu les 13 et 14 octobre 1989, rassemblant les spécialistes français et étrangers de l'orfèvrerie française sour l'Ancien Régime. Le texte avait été imprimé dans les actes parus en 1994. Les très importants tableaux, qui constituaient la trame du propos, n'avaient cependant pas été reproduits. Ils ont été retravaillés pour être réédités ici, mais sans nouvelles recherches. La conférence était illustrée de 147 diapositives dont on trouvera la liste ci-jointe. Cette version web reprend certaines de ces images ou d'autres. La bibliographie accompagnant le manuscrit d'origine est également disponible ici. |
L'histoire de l'orfèvrerie française se divise commodément avec la césure inéluctable de la Révolution. Appliquée aux colonies françaises en Amérique du Nord, cette division chronologique nous oblige à distinguer deux grandes périodes. La première se termine par la perte de la Nouvelle-France aux mains de l'Angleterre, lors des capitulations de Québec en 1759 et de Montréal en 1760. La seconde période, parfois qualifiée de Régime anglais, va de 1760 à 1790 et se termine par la signature de L'Acte constitutionnel de 1791, qui divise le territoire alors nommé « Province de Québec » en deux nouvelles entités : le Haut et le Bas Canada, soit les territoires actuels de l'Ontario et du Québec. Divers incidents firent fluctuer les frontières territoriales durant cette période : L'Acte de Québec en 1774, mais également l'Invasion américaine de 1775, qui se solda par la défaite des généraux américains aux pieds de la Citadelle de Québec. Thomas Davies, Vue de Montréal au Canada, prise de l'île Saint-Hélène en 1762, 35,3 x 53,5 cm, aquarelle sur mine de plomb sur papier vergé, Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada. |
Codes de couleur indiquant l'origine des orfèvres dans les tableaux | Émigrés de France | Nés en Nouvelles-France | Anglophones | Autre ou inconnue |
TABLEAU I
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TABLEAU II
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TABLEAU III Vingt orfèvres émigrèrent vers la colonie dont 17 de France.
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TABLEAU IV Pour subvenir aux besoins de leurs familles, les nouveaux arrivants devaient souvent pratiquer divers métiers en plus de l'orfèvrerie, tout comme plusieurs des orfèvres nés en Nouvelle-France. Ainsi, ils étaient soient armurier, joaillier, horloger, souvent marchand et parfois même des soldats sans solde. On vit même un esclave noir affranchi, ainsi qu'un cordonnier, devenir orfèvres. Toutefois, un atout important favorisait les orfèvres immigrés : leur formation préalable. Dès leur arrivée ils étaient donc aptes à être productifs. Dans aucun cas cependant nous ne connaissons la valeur ni la qualité de cette formation. On ne peut donc dire s'ils avaient été apprentis ou compagnons, ni combien de temps. Il serait toutefois surprenant qu'ils aient obtenus leur maîtrise… ! Et, certainement, aucun d'entre eux n'avait fait insculper de poinçon en métropole.
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TABLEAU V Les orfèvres immigrés étaient donc aptes à transmettre leur savoir par le bon vieux système d'apprentissage ; ce qui fut fait pour une première génération assez nombreuse d'apprentis, dont certains formèrent eux aussi quelques autres apprentis de deuxième génération. Mais cette généalogie de la transmission des connaissances s'étiola, ne parvenant pas à se prolonger dans une autre génération.
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TABLEAU VI Les experts ici rassemblés de l'orfèvrerie française seront peut-être en mesure d'identifier certaines caractéristiques stylistiques, techniques ou morphologiques, qui pourraient se comparer à celles des villes d'origine des orfèvres les plus productifs de la Nouvelle-France, soit respectivement Paul Lambert dit Saint-Paul d'Arras, Ignace-François Delezenne de Lille, Roland Paradis et Charles-François Delique de Paris, Jean-Baptiste Deschevery dit Maison Basse de Bayonne. On pourrait éventuellement être tenté de retrouver ces mêmes caractéristiques dans l'œuvre des plus productifs parmi les apprentis qu'ils ont formés, et qui sont tous nés en Nouvelle-France ; soit, par ordre d'importance, Joseph Maillou, Jacques Varin dit Lapistole, Jacques Pagé dit Quercy, Jean-François Landron, Michel Cotton et Jacques Gadois dit Mauger. Pour les autres orfèvres tels que François Chambellan et Louis-Alexandre Picard de Paris, Michel Le Vasseur de Rochefort ou Samuel Payne de Londres, insuffisamment d'œuvres ont été conservées.
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TABLEAU VII Nous ne connaissons aucun objet des orfèvres originaires de
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Paul Lambert dit Saint-Paul a été le plus important des orfèvres de la Nouvelle-France. Né à Arras en 1691 ou 1703; il est actif à Québec de 1729 à 1749. Un idiome tout à fait personnel marque son œuvre, par exemple dans ce bénitier et cet encensoir au Musée des beaux-arts du Canada.
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On peut le reconnaître dans la coupe qu'il a refaite sur ce ciboire parisien, à Wendake, datant de 1675-1676. Ces motifs se retrouvent également sur une autre œuvre caractéristique, un bénitier conservé au Monastère des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec.
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Dans le jeu des influences, il faut comparer ce qui est comparable. Quelques erreurs d'interprétation illustrent bien les liens unissant les orfèvres de Nouvelle-France à l'orfèvrerie française importée. Le calice de Saint-Famille de l'Île d'Orléans a longtemps été attribué à Paul Lambert, notamment par Gérard Morisset, confusion née de la similitude de ses initiales avec celles du poinçon du maître orfèvre parisien Pierre Loir, PL accompagné d'une croix (à gauche ci-dessous), alors que le poinçon de Lambert se différencie par une étoile et une fleur-de-lys sans couronne ni grains de remède (à droite ci-dessous).
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On a écrit que Lambert (ci-dessous à gauche) avait imité ces magnifiques vases à fleurs, tous deux à Wendake. C'est impossible puisqu'il est décédé en 1749 et que Alexis Porcher a fabriqué les siens en 1751-1752 (ci-dessous à droite). Il faut tenir compte que des réalités socio-économiques foncièrement différentes séparent ces deux productions.
Certains objets plus modestes, tant dans leur morphologie que leur décor, présentent une certaine finesse d'exécution. D'autres sont uniques ou rares, comme ce curieux petit objet d'environ 14 cm de diamètre, conservé à Wendake (Village-des-Hurons) près de Québec.
Ou ce mortier originellement chez les Jésuites de Québec, qui a été sauvé de la fonte par le marquis de Lorne en 1881, pour en faire don à son épouse la princesse Louise, la fille de la reine Victoria, afin de s'en servir comme seau à glace ! Le mortier revint au bercail en 1948, acquis par l'orfèvre Henry Birks qui constitua la plus importante collection d'orfèvrerie au Canada.
Lambert fabriqua également plusieurs objets domestiques d'usage plus courant. Il a transmis une certaine manière de faire à son apprenti Joseph Maillou, qui nous a laissé une quarantaine d'objets.
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Terminons par la lampe de sanctuaire de la Chapelle des Ursulines de Québec qui fut faite en 1739, par Lambert, à partir d'autres pièces d'orfèvrerie, probablement françaises, afin de compléter le décor de la chapelle du monastère pour les fêtes du premier centenaire de l'arrivée des Ursulines à Québec et contribuer à l'ornementation de son magnifique retable.
Le second orfèvre en importance est Ignace-François Delezenne, né à Lille vers 1717. Sa période d'activité d'un demi siècle va de 1740 à 1790, chevauchant à parts égales les périodes françaises et anglaises, ce qui la rend particulièrement intéressante en ce qui concerne la conjoncture des influences qu'il a reçues ou données. Sa première période se caractérise par des objets de formes pansues et pratiquement sans décor, puisant aux sources du XVIIe siècle, antérieures au style Louis XIV, ce qui est rare dans l'orfèvrerie québécoise, ce qu'illustrent bien le bénitier d'Odank et l'aiguière du Monastère des Augustine de l'Hôtel-Dieu de Québec.
Sous le Régime Anglais, Delezenne a développé un style beaucoup plus élaboré au niveau du décor et des techniques utilisées dont le plus bel exemple est le ciboire de Saint-Nicolas en dépôt au Musée national des beaux-arts du Québec.
Il a même modifié le dessin de son poinçon, auparavant sur le modèle français, pour imiter ceux des orfèvres anglais ou américains, qui sont habituellement inscrits dans un rectangle.
(47g et 48d) Il nous a laissé des objets d'un type peu répandu dans l'orfèvrerie québécoise, tels que cette poêle de réchaud et ce bougeoir.
Quelques-uns de ses objets permettent d'illustrer certains mécanismes d'influence. (49g) Cette coupe de mariage fut imitée (50d) de ce modèle français, non poinçonné, conservé à l'Hôtel-Dieu de Québec. (51d) Le motif de l'anse et un galbe caractéristique a par la suite été transmis à son apprenti Dominique-François Mentor.
(52g et 53d) Le modèle de la Vierge à l'enfant sur cet instrument de paix a été puisé dans (54d) ces ornements de missel fabriqués à Paris vers 1691-1698 ; puis, (55d) ils ont été transmis à son apprenti François Ranvoyzé.
(56g et 57d) Des objets de Delezenne fabriqués pour la Chapelle de Saint-Cuthbert tels que ce calice ou ce boîtier et ampoules aux saintes huiles, ont été imités (58g et 59d) par deux orfèvres protestants anglophones, Robert Cruickshank et Michæl Arnoldi, établis à Montréal à la fin du xviii e siècle.
(60g et 61d) Troisième orfèvre en importance, Roland Paradis est né à Paris. On lui connaît une quarantaine d'objets, (62g et 63d) mais son œuvre a eu un impact moins marquant que celle de Delezenne et il s'en dégage une certaine naïveté. (64g) Il fut actif à Québec puis à Montréal de 1728 à 1754. À la fin de sa carrière, il travaillait en association avec un parent venu de Paris, l'orfèvre Charles-François Delique, dont on connaît une vingtaine d'objets.
(65g et 66d) On ne conserve que sept objets de Jean-Baptiste Deschevery dit Maison Basse, né à Bayonne vers 1695 ; mais la plupart sont intéressants. Le poinçon MB lui a été attribué sur la base de sa signature habituelle : soit son pseudonyme Maison Basse, écrit en deux mots, sans son prénom ni son nom. Les chercheurs sont forcés d'utiliser de telles astuces puisqu'il n'existait au Québec ni corporation, ni législation, ni contrôle de quelque nature que ce soit.
(67g et 68d) Ce sont les mêmes raisons qui nous permettent de proposer l'attribution du poinçon LV à Michel Le Vasseur, puisqu'il scindait son nom en deux unités distinctes. Il a été le premier orfèvre d'importance à se fixer à Québec, où il fut actif de 1700 à 1709. Il forma un apprenti, (69g et 70d) Jacques Pagé dit Quercy, né à Québec, dont l'œuvre et la carrière sont extrêmement intéressantes. Une ordonnance de l'intendant Raudot brisa le contrat d'exclusivité conclu par Le Vasseur à l'égard de son autre apprenti, Pierre Gauvreau, puisque :
« Cette Stipulation est contraire au bien publique lequel demande tout au moins pour un metier comme celuy là quil y ait deux personnes qui en fassent la profession, et ayant jugé que celuy qui étoit le plus propre a l'entreprendre et a y reussir étoit Jacques Paget dit Carsy par plusieurs choses (71g et 72d) quil a desja fait de sa main et de son genie par lesquelles il a fait connoitre qui pouvoit y reussir. »
Jusqu'à ce que Le Vasseur reparte pour la France, Pagé n'eut pas le droit d'effectuer des travaux d'orfèvrerie à son compte. Pagé tenta de s'établir comme orfèvre à Paris, ce qui nous est connu par une lettre du ministre de la Marine :
« Je vous envoye un placet qui m'a été présenté par Jacques Pagé Carcy, natif de Canada, qui demande la permission de s'établir à Paris et d'y exercer le métier d'orphevre. Vous verrés par l'extrait de l'édit d'établissement de la Compagnie des Indes Occidentalles du mois de may 1664 que Sa Ma[jes]té. veut que les artisans qui ont exercé leurs art et métiers dans l'Amérique pendant dix années soient réputez maitres en chef d'œuvres dans toutes les villes du Royaume, il se trouve dans ce cas, suivant les certificats quil rapporte et qui sont joints à son placet. Ainsy, je vous prie de vouloir bien le faire jouir de la grâce que le Roy luy accorde par cet édit, ce sera un moyen de peupler les colonies d'ouvriers que de faire jouir ceux qui y ont travaillé du privilège qui leur en est accordé. »
Pagé n'obtint pas gain de cause puisqu'il poursuivit sa carrière à Québec. Quant à Le Vasseur, on peut penser qu'il échoua également dans une tentative similaire, puisqu'en 1711, une lettre nous informe des difficultés faites par les orfèvres de Rochefort à Michel Le Vasseur qui désire exercer son art dans cette ville après dix ans d'activité au Canada.
(73g et *74d) L'inventaire après décès de Jacques Pagé nous révèle qu'il possédait l'atelier d'orfèvre le plus important et le plus intéressant que nous connaissions, tant par la quantité que la variété de ses outils. C'était un homme plein de ressources, puisqu'il fut également horloger, marchand et brasseur de bière. (75g et 76d) Il initia à l'orfèvrerie son frère Joseph, qui opta pour un poinçon d'une forme originale, ses initiales IP inscrites dans un quintefeuille.
(77g et 78d) Contemporain de Pagé, Jacques Gadois dit Mauger est né à Montréal en 1686 ; il a exercé sa profession de 1714 à 1750, devenant un marchand bourgeois prospère à la fin de sa carrière. (79g et 80d) En 1729 il a fabriqué une paire d'encensoirs pour l'église Notre-Dame de Montréal, qui ne portent pas de poinçon mais qui sont signés. Quelques documents reliés à la carrière de Gadois nous livrent des données intéressantes sur la fonte, le titre des amalgames et les travaux confiés à ses apprentis.
(*81g et 82d) L'orfèvre montréalais Jacques Varin dit Lapistole fit son apprentissage sous le Régime français, mais exerça durant le Régime anglais. Cette soupière fut exécutée pour les Sulpiciens, (83d) et le couvercle porte le poinçon de l'orfèvre montréalais Robert Cruickshank, immigré au Canada vers 1770. (84d) Le poinçon de Varin, qui est assez fantaisiste, semble illustrer une couronne de chef amérindien, ce qui n'est pas surprenant puisqu'à cette époque la plupart des orfèvres montréalais fabriquaient des dizaines de milliers (85g et 86d) de bijoux et colifichets utilisés pour le troc dans la traite des fourrures par les prospères marchands bourgeois écossais de Montréal. (87g et 88d) Ceci est bien illustré par ce portrait qui, selon certains, représente le marchand James Woolrych, alors que d'autres y voient le portrait de l'orfèvre Robert Cruickshank, grand fabriquant de ces épinglettes en argent, alors appelées « couettes », ici utilisées comme boutons de veste. L'orfèvrerie de traite fut d'ailleurs une des voies de pénétration de l'influence anglaise.
(*89d) Le portrait de madame Eustache-Ignace Trottier dit Desrivières démontre bien la complexité des influences à la fin du xviii e siècle. Il a été peint par François Beaucourt en 1793. Né à Montréal, celui-ci passa la majeure partie de sa carrière à Bordeaux où il devint membre de l'Académie des beaux-arts. La fontaine à eau chaude et le pot à eau, qui sont selon toute apparence en argent, ont-ils été importés d'Angleterre ou de France ? La miniature représentant son époux a-t-elle été peinte et sertie par un artiste américain de passage, tel que John Ramage qui séjourna à Montréal durant cette période ? Finalement, la boîte en or peut-elle provenir de France ? (90g) C'est fort possible, puisqu'elle ressemble à un spécimen conservé à l'Archevêché de Québec et qui a été fabriqué à Paris en 1762-1763 par un orfèvre aux initiales JCD. (91d) Toujours à l'Archevêché de Québec, on trouve une autre boîte en or incrustée de nacre et fabriquée à Paris en 1771-1772 ; la miniature de Mgr Plessis a due être peinte à Québec par un artiste qui n'a pas encore été identifié.
(*92g et 93d) François Ranvoyzé peut certainement être considéré comme le plus important de tous les orfèvres québécois. (94g et 95d) Né à Québec en 1749, il a été actif de 1771 à 1819. (96g et 97d) Formé par Delezenne, il a donc profité d'une portion de l'héritage français par transmission directe. (98g et 99d) De plus, il a copié, imité ou réparé plusieurs pièces d'importation. (100g et 101d) Cet ostensoir par exemple lui a longtemps été attribué, jusqu'à ce que l'on découvre un poinçon de la maison commune de Paris, de la fin du xvii e siècle, qui est pratiquement effacé. (102d) Cet autre ostensoir est un cas patent : des poinçons français ont été relevés dans les années 1940 par Gérard Morisset, directeur de l'Inventaire des Œuvres d'art du Québec ; les livres de comptes de la paroisse de Gentilly indiquent que Ranvoyzé a réparé l'objet, en fait il a aussi ajouté sur la base une frise caractéristique de son style ; vers les années 1960, des revendeurs ont buriné les poinçons d'origine et ajouté un faux poinçon de Ranvoyzé, afin d'augmenter la valeur marchande, donc leur marge de profit ; l'objet a été acheté par la Collection Birks, qui par la suite a été donnée au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa.
(103g et 104d) Dans ses trois vases en or fabriqués au début du xix e siècle pour (105g et 106d) le curé Panet de la paroisse de L'Islet, (107g et 108d) les réminiscences du style Louis XIV sont encore très nettement perceptibles. (109g et 110d) Cependant, toute une portion de son œuvres a subi l'influence des pièces d'importation anglaises ou américaines. (111g et 112d) À la fin de sa carrière, il a intégré à sa stylistique une nouvelle mode rapportée de Paris par Laurent Amiot : la guirlande de feuilles de laurier.
(*113g et 114d) En effet, Amiot a fait son apprentissage dans un atelier parisien non identifié, où il a séjourné de 1782 à 1788. Il n'est donc pas surprenant qu'à son retour il se qualifiât de « maître es arts d'orphevrerie ».
(115g et 116d) Amiot restera ouvert aux développements des influences françaises au début du xix e siècle, (117g et 118d) mais aussi aux influences anglaises qu'il intégra à son vocabulaire, (119g et 120d) tant au niveau des formes que des décors. Le Québec participait désormais au marché de l'Empire britannique ; il n'est donc pas étonnant de constater que des pièces d'orfèvrerie fabriquées aux (121g) Indes ou aux (122d) États-Unis, aient pu être confondues, par divers musées ou collectionneurs, avec celles d'orfèvres québécois.
(123g et 124d) Néanmoins, solidement établie, la tradition française se perpétua par l'influence des objets importés. Cette « banque d'œuvres d'art » a servi de modèles à plusieurs générations d'orfèvres québécois. En voici quelques exemples représentatifs :
(125g et 126d) La lampe de sanctuaire de l'Hôtel-Dieu de Québec, attribuée à Claude Ballin I par Jean Trudel, et commanditée par le gouverneur général Rémy de Courcelle en 1668-1669, (127d) a pu influencer les motifs décoratifs si fréquemment utilisés par François Ranvoyzé.
Le buste reliquaire du père Jean de Brébeuf, fabriqué à Paris en 1664- 1665, a servi de modèle au peintre Joseph Légaré pour ce tableau d'histoire destiné à être remis aux Jésuites lors de leur retour au Québec en 1843.
(130g et 131d) La Vierge à l'enfant de cette croix de procession de l'église Notre-Dame de Québec, fabriquée à Paris en 1665-1666, (132g) a servi de modèle, au début du xix e siècle, à l'orfèvre montréalais Pierre Huguet dit Latour, (133d) qui intégrait également sur le même objet des motifs de flots et de fers-de-lance, imités des pièces d'orfèvrerie religieuse importées de France au début du xix e siècle.
(134g et 135d) Cette Vierge de l'église Notre-Dame de Montréal, (136g) fabriquée à Paris vers 1712-1717, (*137d) a servi de modèle au grand orfèvre montréalais du début du xix e siècle, Salomon Marion. (138g et 139d) Mais elle a également servi de modèle aux sculpteurs montréalais de l'École de Louis Quévillon.
(140g et 141d) Cet instrument de paix de Jean-Charles Cahier, fabriqué à Paris entre 1819 et 1838, a servi de modèle à Salomon Marion.
Le temps nous manque pour parler des nombreuses autres œuvres françaises importantes qui sont conservées au Québec, qui n'ont pas eu une influence aussi marquante, mais qui ont fait et font toujours partie de notre vie quotidienne et de notre attachement aux traditions françaises [voir L'orfèvrerie au Québec, les influences française, anglaise et américaine].
Photo avant restauration.
Terminons sur ce grand tableau de La France apportant la foi aux Hurons de Nouvelle-France, conservé chez les Ursulines de Québec. Cette œuvre a pu avoir été commandée à un peintre de Nantes vers 1666, comme semblent le suggérer les armoiries de Guillaume de Bruc qui apparaissent sur la poupe du navire amarré près de la reine Anne d'Autriche. Ce tableau, d'intentions très nettement historiques, vise à illustrer les bienfaits de la conversion au catholicisme. Il démontre et résume la suprématie de l'Église, qui a été le principal client et commanditaire d'orfèvrerie [voir Le buste-reliquaire de saint Jean de Brébeuf, histoires et mythes].