web Robert DEROME

 Peut-on faire de l'histoire de l'art en français sur le web ?

© Robert Derome, professeur, département d'histoire de l'art, Université du Québec à Montréal.


Texte original publié le 6 juin 1998

J'enseigne au département d'histoire de l'art de l'Université du Québec à Montréal depuis 1979. Au début des années 1980 j'ai donné pendant quelques années des cours d'initiation aux méthodes de l'histoire de l'art. Les principaux outils de travail étaient la plume, les fiches et la machine à écrire, sans compter les ciseaux, le liquide ou le ruban correcteur, la brocheuse ou le ruban adhésif, de même que les outils multimédia traditionnels (photocopieur, caméras, projecteurs, enregistreuses, etc.). Très peu d'étudiants possédaient, à leur arrivée à l'université, cet outil de haute technologie qu'était la machine à écrire. Durant les premières semaines c'était donc la course aux achats de machines à écrire et aux méthodes d'apprentissage du doigté sur ce clavier. J'ai abandonné la prestation de ce cours à l'époque où j'achetais mon premier ordinateur, le Lisa, l'ancêtre dinosaurien du Macintosh.

J'ai repris l'enseignement de ce cours il y a quelques années sous son nouveau titre : HAR1600 Initiation aux techniques et instruments de recherche en histoire de l'art (qui sera connu à l'automne 1998 sous le nouveau sigle HAR1800). Je me suis alors mis à observer le web au moyen du défunt « gopher », puis de « lynx » et de « pine » sur Unix. Les contenus web en histoire de l'art n'étaient alors pas très élaborés. Il y a trois ans, environ 10% des nouveaux étudiants de l'UQÀM inscrits au baccalauréat en histoire de l'art possédaient ou utilisaient un ordinateur. Depuis deux ans la tendance s'inverse. Actuellement, 80% de nos étudiants possèdent un ordinateur à leur entrée au premier cycle et environ 20% d'entre eux naviguent déjà sur internet tout en possédant une adresse de courriel (« mél » pour les hexagonaux). J'ai donc commencé à enseigner depuis 1996 avec les NTIC (nouvelles technologies de l'information et des communications) en utilisant des projections sur écran commandées par ordinateur (accès aux banques de données en ligne ou sur cédéroms, catalogues de bibliothèques, utilisation de logiciels pour le traitement de texte et de données, exercices pratiques dans des laboratoires d'informatique, courrier électronique, listes et forums de discussion, Netscape et PowerPoint).

Au printemps de 1997, j'ai décidé de créer la seule liste de discussion francophone en histoire de l'art : METHO-HAR. Je souhaite que cette liste connaisse un plus grand rayonnement. En effet, les historiens de l'art francophones paraissent assez timides devant ce qu'ils considèrent peut-être comme des « gadgets vidéos », alors qu'à mon avis le web est une révolution similaire à celle de l'imprimerie par Gütenberg. Je crois fermement que les lycéens, collégiens et cégépiens diplômés exigeront eux-mêmes des professeurs universitaires les outils de travail des NTIC.

À l'automne 1997, j'ai reçu le mandat de créer le site web du département d'histoire de l'art de l'UQÀM. J'ai alors exploré les sites des autres départements d'histoire de l'art en quête de modèles. Tout d'abord du Côté de chez Swann (le roman de Marcel Proust), où la cueillette française s'avère encore très réduite. En effet, la qualité des sites et des contenus, de même que le nombre de branchés, demeurent nettement supérieurs du côté québécois, belge et suisse. Mais c'est l'oncle Sam qui tient le gros bout du bâton, viennent ensuite l'Albion avec ses anciennes colonies, puis les germanophiles. Suite à ces constats, et pour le bénéfice des étudiants et des historiens d'art, j'ai créé un site web qui publie un Index of Art History Departments' websites around the World, un titre anglais qui reflète la situation actuelle.

Durant cette même période de l'automne 1997, je développais un autre site consacré aux Signets en histoire de l'art pour la recherche sur internet, dont les références sont majoritairement anglo-saxonnes, ainsi qu'une seconde liste de discussion consacrée aux Art History webmasters- webmestres en histoire de l'art dont la langue de communication principale est l'anglais. Les prochaines rencontres annuelles de ce groupe se dérouleront sous l'égide du College Art Association à Los Angeles (10-13 février 1999) et sous l'égide du Comité international d'histoire de l'art à Londres en 2000.

Tout récemment, avec l'aide bénévole de deux étudiantes de l'UQÀM (Nathalie Andrieu et Ayse Orhun Gültekin), fut édité l'Index of Art History Courses on the web, dans lequel on retrouve, en date du 6 juin 1998, moins de 5 cours en français sur un total de près de 200.

Je lance donc ici un appel particulier à tous les francophones pour qu'ils participent à METHO-HAR, une liste de discussion dotée d'un site web dont l'objectif principal est de regrouper les historiens et historiennes de l'art qui désirent échanger en français sur l'histoire de l'art. Il serait intéressant que la liste METHO-HAR puisse regrouper les professeurs et professeures qui enseignent l'histoire de l'art ainsi que leurs étudiants et étudiantes. Cette liste de discussion veut également être le tremplin d'une réflexion et d'une construction des Méthodes de l'histoire de l'art sous forme d'une publication web collective ouverte à tous ceux qui veulent y ajouter leur contribution.

Même si je vois l'avenir avec optimisme pour la place et la contribution française en histoire de l'art sur internet, je suis conscient des efforts à accomplir. La conjoncture actuelle favorise cet essor tant par les politiques des divers ministères de la culture et des communications que des inititiatives politiques de plusieurs pays de la francophonie. On a également vu la naissance de plusieurs périodiques spécialisés dans plusieurs disciplines dont certaines initiatives fructueuses et de haute qualité. Toutefois, il ne faut pas se cacher que l'histoire de l'art francophone sur internet accuse un certain retard auquel il est urgent de remédier. Vos contributions et réflexions sont donc attendues sur METHO-HAR ainsi que sur le site web Les méthodes de l'histoire de l'art.

Nous remercions Pierre Robert de l'aide apportée à la rédaction et la publication de cet article.

Page créée le 6 juin 1998. Modifiée le 3 octobre 2017.

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