Le luth en Nouvelle-France

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Mythes

web Robert DEROME

Début de la Nouvelle-France en 1534.

     ◊ Poutrincourt, amateur de luth et de manicordion.

Il est tout à fait possible que le luth, alors fort répandu, ait pu venir visiter, à compter du XVIe siècle, les implantations sporadiques dans ces nouvelles contrées. Mais, la plus ancienne indication de la pratique du cet intrument en Nouvelle-France date du début XVIIe siècle avec Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just.

Franz Isaac Brun, Calliope from a series of the nine muses, 1555-1610, engraving, 73 x 49 mm, British Museum 1850,0612.23.

Cornelis Cort, after Frans Floris, published by Hieronymus Cock, Hearing, the five senses series, 1561, engraving, 203 x 269 mm, British Museum 2023,7006.2.

La muse de la poésie épique, une Calliope gauchère et ailée, est bien placée pour chanter les louanges de la découverte et fondation de la Nouvelle-France par Jacques Cartier en 1534, mais également celles des explorateurs et découvreurs des Amériques. À la Renaissance, on abandonne ses attributs archaïques pour la munir de deux luths, instrument de prédilection dans les pays d'Europe ayant exploré les nouvelles terres d'outre-Atlantique. Dans une série sur les cinq sens, cette allégorie féminine de la musique, représentant l'ouïe, est assise en plein air à côté d'un cerf, sagement allongé par terre, qui écoute très attentivement. Cette gravure évoque toutes celles montrant les nouvelles contrées lointaines, boisées et peuplées d'animaux, découvertes à cette époque. De tous les instruments dont elle est entourée, c'est le luth qui occupe la position privilégiée dans ses bras.

Hans Weiditz, printed by Heinrich Steiner, A couple playing luth and harp in a walled garden, 1531, woodcut, 96 x 155 mm, British Museum E,7.222.

Attribué au Titien ou École de Venise, Le concert champêtre, 1e quart du XVIe siècle, huile sur toile, 1,05 x 1,37 m, Louvre INV 71.

Le luth est ici tenu par une femme jouant de la main gauche. S'agirait-il d'une composition inversée par le graveur ? Cet instrument accompagne souvent les chants d'amour dans les scènes galantes, ici sise dans un jardin idéal entouré d'un mur de briques. Son compagnon fait le duo avec une harpe. Cette scène champêtre illustre bien l'imaginaire de cette époque dans la représentation d'un paysage pastoral idéal, avec un pâtre et ses moutons, où le luth et la flûte chantent les beautés de la nature nue tenant un pichet d'eau.

Circle / School of Jacques Callot, Couple, chien et luthiste dans un paysage avec maisons, 1563-1635, pen and black ink on paper, 80 x 165 mm, British Museum Gg,2.355.

Copy of the engraving by Pieter de Jode after Marten de Vos, Sanguine, of the four temperaments series, 1546-1603, pen and brown ink drawing on paper, 178 x 214 mm, British Museum SL,5237.83.

La nature, avec de grands arbres sur d'immenses souches, très présente malgré la proximité de maisons, encadre un couple, accompagné d'un petit chien, qui se fait jouer la sérénade par un luthiste aux allures maniérées. Le médecin Hippocrate (-460-377) a décrit, dans l'Antiquité, quatre tempéraments basés sur les humeurs : sanguin, colérique, mélancolique et flegmatique. Ce couple, typiquement Renaissance et richement habillé, illustre le sanguin. La femme, tenant un livre ouvert, s'appuie sur l'épaule de son compagnon luthiste. Devant eux, une table dressée présente un bouquet de fleurs dont certaines sont tombées, un plat avec un artichaut, des figues et des noix, puis un autre livre ouvert. À l'arrière plan, une ronde de danseurs, des archers visant des oiseaux près d'un moulin, et un autre luthiste qui fait danser deux couples près d'autres personnages devant une maison. Tout ces éléments forment une puissante vanité où le luth occupe une place prépondérante.

Hieronimus Van Aken dit aussi Bosch, La nef des fous (détail), 1491-1516, huile sur chêne, 58 x 32,5 cm, Louvre RF 2218.

Entourage d'Ambrosius Benson, Scène galante, Le concert après le repas, huile sur bois, vers 1525-1549, 53,5 x 81 cm, Cassel, Musée départemental de Flandre C.2009.7.1.

Comme toujours chez Bosh, cette scène surréaliste multiplie les pistes autour du luth joué par une religieuse face à un franciscain, tous deux essayant de mordre à belles dents dans une galette suspendue par un fil, de part et d'autre d'une table frugalement dressée sur une nef, celle des fous. De toute évidence, cette scène est une virulente critique de la religion. Ce repas entre amis et convives, dont plusieurs couples enlacés tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, chante, avec le luth et la flûte, les plaisirs de la table, de l'amitié et de la bonne entente cordiale, auxquels l'écho d'un autre luth, joué de la main gauche, répond dans la maison à l'extrême gauche.

Hans Holbein le Jeune, Les ambassadeurs Jean de Dinteville et Georges de Selve, 1533, huile sur panneau de chêne, 207 × 209,5 cm, National Gallery NG1314.

Hans Brosamer, The lute-player, seated in frontal view on a stone block, 1537, engraving, 140 x 107 mm (Excl. c. 5 mm margin), British Museum 1853,0709.243.

Heinrich Aldegrever, Two Musicians Playing the Violin and the Lute, from "The Small Wedding Dancers", 1538, Engraving, Sheet 2 1/16 × 1 1/2 in. (5.3 × 3.8 cm), Metropolitan Museum 66.529.60.

Ces riches ambassadeurs sont séparés par un luth, un des multiples symboles de la richesse et des échanges entre les puissants de ce monde, desquels ne sont pas absents les explorateurs de la Nouvelle-France. Mais, comme dans toute vanité, le spectre de la mort, en anamorphose, rôde à l'avant-plan ! Ce jeune luthiste martial semble porter des équipements ressemblants aux carapaces des militaires. La précision de la gravure permet de distinguer 7 choeurs dont un triple. Ce luthiste debout, vêtu comme un homme d'armes, joue en duo avec une vièle, sur un instrument à 5 choeurs.

Frans Huys (1522-1562), d'après Anonyme Anvers,
Le luthiste, dans la série de scènes allégoriques de proverbes flamands sur Maître Jan Slechthoofd,
1546-1562, gravure, bords de la plaque 282 × 421 mm, Rijks Museum RP-P-OB-7396.

Cette truculente gravure satirique met en scène plusieurs luths dans leur fabrication et utilisation, soulignant ainsi leur importance dans la vie du XVIe siècle pour toutes les générations, des plus âgées aux plus jeunes. À gauche, un tout petit luth figure dans un ovale au centre de la fenêtre à losanges, au-dessus d'un chat qui mange sa pitance dans un bol. Une jeune femme souffle à l'oreile d'un homme assis accordant un luth, tout en pointant du bras vers deux dames. Cet homme porte un chien dans une poche accrochée à sa ceinture, au-dessus d'une boîte fermée servant à la protection et au transport d'un luth. Deux femmes se présentent à sa boutique. La première, âgée et au nez proéminent, s'appuie sur une canne rudimentaire, tout en tenant un luth sans cordes de sa main gauche. Une chouette, sur un perchoir, observe l'autre dame d'âge moyen, portant un bandeau sur son oeil gauche, se présentant à l'entrée, sans porte, avec un luth plus petit, également sans cordes, accompagnée d'un jeune garçon rondouillet, pratiquement nu, tenant la jupe de sa mère d'une main et de l'autre un bâton à tête de cheval entre ses jambes. Au centre, des pinces gisent, en face du foyer, sur le sol pavé de tuiles carrées, ainsi qu'une petite boîte rectangulaire dont le couvercle est entrouvert. Le manteau de l'âtre est décoré d'un couple dansant aux airs de deux instrumentistes, hautbois et cornemuse, appuyés sur un tonneau ; elles reprennent les gravures de Hans Sebald Beham (1500-1550) représentant des paysans dansants à des noces de village.

L'inscription en néerlandais ancien, sibylline, ouvre cependant les interprétations qui convergent vers d'autres horizons, en identifiant le luth à une métaphore des organes génitaux féminins et, l'installation des cordes, aux rapports sexuels. Merci à la collaboration de Peter van der Krogt pour la transcription en néerlandais moderne et sa traduction annotée en anglais.

Néerlandais ancien — Meester ian slecht hoot*, wilt miin lviite versnaren · ick en sal** vrov langnvese, laet mii ongeqvelt. want ick moetse, voor modder mviilken*** bewaren · die hadde haer lviite, oock seer geerne, gestelt. Néerlandais moderne — Meester Jan Slecht Hoo[f]d*, wilt u mijn luit versnaren · Om de dooie dood niet** vrouw Langneus, laat me ongemoeid, want ik moet ze voor moeder Muilken*** bewaren · Die had haar luit ook heel graag gesteld [web ou pdf]. Anglais — Master Jan Bad Head*, please restring my lute · I will not**, Mrs Longnose, leave me undisturbed because I have to keep them for mother Muilken*** · who likes to have her lute, also tuned. Français — Maître Jan Mauvaise Tête*, veuillez mettre de nouvelles cordes à mon luth · Je ne le ferai pas**, madame Long Nez, laissez-moi tranquille parce que je dois les garder pour mère Muilken*** · qui aime aussi faire accorder son luth.
* There is missing a letter in the luthenist name HOOT which should read HOOFT. ** The best English translation for "ick en sal" is "I will not". The modern Dutch "Om de dooie dood niet" is an interpretation, it means "absolutely not". DeepL translation gives "Not for the life of me". *** Dutch Luthier Jan van Cappelle (web ou pdf) translates "modder muiilken" by "my wife", a very free translation. "Modder" (modern "moeder") is mother, and MVIILKEN, modern "Muilken", or "Muiltje'" is used as a name. Muiltje, diminutive form of "muil", is a kind of shoe, or slipper (en français mules ou sandales). "Muil" is also a Dutch slang for "big mouth", but in this meaning never used in diminitive form.

Tuscan School, Portrait of a young man with a lute, perhaps a member of the Cedrini family, 1540-1560, oil on poplar panel, 92,7 x 67,6 cm, Wallace collection P542.

Pierre Woeiriot, Portrait of French poet Georgette de Montenay, 1567, Engraving, 156 x 103 mm (slightly trimmed?), British Museum 1925,0406.141.

Balthasar Jenichen, Lute player, 1560-1621, etching on paper, 125 x 92 mm, British Museum 1909,0612.142.

Cet aristocratie italien de la Renaissance, dans une salle somptueuse garnie de fesques et de sculptures, présente comme un trophée son luth à 6 choeurs, tout en portant, dans son dos sous le cédrat peint au mur, une épée bien mise en évidence.

La poétesse Georgette de Montenay entame la rédaction d'un texte, « o plume en la main non vaine », sur une feuille posée à proximité d'un livret de partitions musicales jouxtant un luth sur la table portant la date « 1567 ». Le texte sous son portrait célèbre les louanges divines avec l'accord d'instruments.

Un homme richement vêtu, portant chapeau à plume et épée, joue du luth dans un intérieur bien nanti, en présence d'autres instruments suspendus au mur : une harpe et une viole de gambe. Sa partition musicale est ouverte sur la table près d'un très haut verre.

Anonymous German, A lute player in a landscape, 1569, etching, 71 x 40 mm, British Museum 1875,0710.1462.

Leandro dal Ponte dit Bassano, atelier de l'École de Vénétie Italie,
Les Noces de Cana, vers 1579, huile sur toile, 1,52 x 2,14 m, Louvre INV 431.

Richement habillé dans la nature près d'un château, ce luthiste portant l'épée, avec également une petite harpe à ses pieds, joue sur un très gros instrument à de très nombreuses cordes.

D'uchroniques instruments musicaux du XVIe siècle, dont un luth, un violon, une viole de gambe et des vents, accompagnent le Christ lors d'un repas de noces à Cana !

Dirck Barendsz, Le peuple dans son péché surpris par le Jour du Jugement, vers 1549-1588, Huile sur bois, 122 x 166 cm, Solvgade Statens Museum for Kunst KMS952.

Amsterdam ou Leyde d'après Dirck Barendsz, Banquet avec armoiries de la famille Verburch et la date de 1589 au-dessus de la porte, Album amicorum d'Elisabeth Buyck, 15 × 19,5 cm, Paris, BnF, ms Smith-Lesouëf 85, f° 57r (Facebook, BNF et Gallica).

Le tableau d'origine met nettement l'accent sur les plaisirs sexuels de six couples, alliés à ceux de la nourriture, du vin et de l'ouïe symbolisée par un luth à 6 choeurs, le tout puni par le jugement religieux menant à la ruine tel qu'illustré dans les deux fenêtres. La reprise en miniature célèbre plus subtilement les plaisirs sexuels et des sens dans un contexte beaucoup moins moralisateur. Le luth y est toujours joué de la main gauche, mais cette fois par un noir accompagné d'une autre musicienne.

Caravaggio, Apollo the Luteplayer, c. 1596, oil on canvas, 96 × 121 cm, Ex-Badminton House Gloucestershire (Wikipedia).

Caravaggio, The Musicians, 1597, 6 1/4 x 46 5/8 in. (92,1 x 118,4 cm), Metropolitan Museum 52.81.

Des trois versions de cette oeuvre, qui ont suscité moultes interprétations, celle-ci présente un reflet énigmatique dans le vase à fleurs. Ce jeune luthiste androgyne chante le poème d'amour de la partition sur la table. Sa chemise échancrée, ses mains alanguies et ses lèvres pulpeuses entrouvertes, invitent à l'homoérotisme dans le cercle des amis et bienfaiteurs de ce célèbre peintre (Wikipédia français et anglais ; Aprile 2020). Les ambiguïtés sensuelles provocatrices de ce peintre virtuose lient ici les harmonies du luth en processus d'être accordé à celles de la vièle, du chant et des corps partiellement dénudés de ces jeunes éphèbes s'amusant musicalement. L'un d'eux, ailé tel un cupidon pubère portant ses flèches, palpe une grappe de raisins. Serait-ce un prélude à des bacchanales ?

Joan Baptista Vrints, Martius, Aprilis, Maius, Series Four seasons, 1600-1610, Engraving, 154 x 213 mm, British Museum 1996,1103.19.

Ce couple richement habillé savoure le printemps en plein air : il joue d'un luth à quatre choeurs ; elle le regarde, bouquet de fleurs à la main, le bras gauche sur son épaule. Ils dominent la vue d'un château avec ses terres. Deux personnes observent six travailleurs au jardin près de la serre sur laquelle grimpe un homme avec une échelle. Dans un pré contigu, quatre employés traient les vaches et, au loin, trois autres s'occupent de deux troupeaux. Trois autres personnes naviguent en barque, avec un rameur, sur un plan d'eau près de deux cygnes. Sur une cheminée, un couple de cycognes s'affaire à construire son nid.

Willem Buytewech, A man seated playing the lute, 1600-1627, Black chalk, brown ink pen and wash on paper, 86 x 47 mm, British Museum 1946,0713.967.

Johan Liss, Luthiste accordant son instrument, 1597-1630, Pen and brown ink and wash on paper, Morgan Library and Museum 1993.42.

Anonyme Florentin, Femme debout, drapée, jouant d'un très grand luth (théorbe, archiluth, chittarone) dont la représentation de la longueur du manche supérieur est tronquée, 17e siècle, Louvre INV 12294.

C'est une certitude. Le luth est l'instrument privilégié de cette époque, pratiqué par toutes les classes sociales, incluant celles modestement habillées comme chez Buytewech. Léger et transportable, il serait étonnant que le luth n'ait pas voyagé en Nouvelle-France au XVIe siècle ! Comme tous les témoignages historiques, ceux concernant le luth sont soumis aux aléas des scribes qui ont bien voulu commenter sa présence et de leurs successeurs qui ont eu la bonne idée de conserver ces écrits. Comme c'est le cas à Port-Royal, en Acadie, avec Poutrincourt au début du XVIIe siècle.

 

Poutrincourt, amateur de luth et de manicordion.

Portrait illustrant la biographie de Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just au DBC (web ou pdf du 15 octpbre 2013) : montage avec le début de la biographie (en haut à droite) ; la sommaire fenêtre d'identification du portrait (en bas à gauche avec encadrement lilas) ; et l'hyperlien caduc menant vers la page inactive « Acadian-cajun.com » (en bleu foncé en bas à droite).

« Pl. XI - Charles de Biencourt, écuyer du Roi. Fragment d'une gravure en taille-douce de Crispin de Passe, extraite de l'Instruction au Roy, par M. de Pluvinel. » Huguet 1932, p. 469.

Le Dictionnaire biographique du Canada a toujours accordé une grande rigueur aux textes publiés. Mais ce n'est pas le cas des images auxquelles on n'octroie pas la même attention scientifique, qui ne sont pas identifiées avec une fiche technique complète et appropriée, dont la provenance sur internet est souvent douteuse avec un hyperlien caduc tel que c'est le cas ici. Il serait donc essentiel qu'on y engage des historiens de l'art afin d'effectuer ce travail d'identification critique approfondi. La biographie au DBC de Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just s'orne d'un portrait qui n'est pas le sien (1557-1615, web ou pdf du 15 octpbre 2013), ni celui de son fils Charles de Biencourt de Saint-Just (1591 ou 1592 - 1623 ou 1624, web ou pdf) ! Et pourtant, le DBC fait bien référence à la « biographie solidement documentée » d'Huguet 1932 où cette image est correctement identifiée et assortie d'une longue discussion.

Pluvinel 1625, p. 34 fig. 6.

On retrouve donc ce portrait dans les livres d'Antoine de Pluvinel (1552-1620) qui devient, à compter de 1594, l'écuyer principal des rois Henri III et Henri IV, tout en fondant une académie active jusqu'à son décès. Le Maneige royal... est d'abord publié par J.D. Peyrol (Pluvinel 1623, 69 p.), puis augmenté par René de Menou seigneur de Charnizay (1578-1651) sous le nouveau titre L'instruction du Roy en l'exercice de monter a cheval... (Pluvinel 1625, 14-207 p. et 58 planches) plusieurs fois réédité. Ce célèbre traité d'équitation se présente sous la forme de dialogues avec le jeune Louis XIII (1601-1643) devenu roi en 1610 ; la gravure ci-dessus lui donnant l'âge de 16 ans, l'action se situe donc vers 1617. Jean de Poutrincourt est alors décédé depuis 2 ans, tandis que son fils Charles, âgé de 25 ou 26 ans, s'affaire à sauver la colonie de Port-Royal de l'Acadie en Nouvelle-France.

« C'est à tort si quelques historiens du Canada ont dit que le Vice-Amiral en Nouvelle France avait regagné la métropole en 1621 et tenu une Académie à Paris (édition Alcan de l'Histoire du Canada par F.-X. Garneau. Voir appendice LXIX (Liv. I, chap. I, n° 78), t. Ier, p. 529). Ils ont confondu Charles de Biencourt, baron de Saint-Just, avec Charles de Biencourt, seigneur de Poutrincourt, de Saint-Maulvis et de Chauvincourt, fils de Jacques et de Renée de Famechon. Ce dernier avait d'abord été homme d'armes de la compagnie des Chevaux légers du Roi (1610) [...] et il était écuyer de la Grande Ecurie du Roi bien avant 1621. Il avait obtenu un brevet de Sa Majesté dans ces fonctions le 22 Avril 1619. [...] Son portrait a été gravé dans les différentes attributions de sa charge par un maître de la taille douce, le célèbre Crispin de Passe. [...] Ce Charles de Biencourt [...] resta toute sa vie étranger à la Nouvelle-France ; il épousa en secondes noces Gabrielle de Pluvinel, filleule du roi, fille du célèbre écuyer, veuve de Robert Marion, baron de Druy, et mourut à Paris en 1645 [Huguet 1932, p. 80 et 471-477 dont une partie de la note 2 en p. 474 intégrée au texte ci-dessus]. »

États des graphies de l'inscription du nom de Poutrincourt sur la figure 6 dans diverses éditions de Pluvinel.

« M. de Potrin »
 
Pluvinel 1625, p. 34 fig. 6.
Pluvinel 1626, p. 12 fig. 6 détail.

« M. de Potrincourt »
Pluvinel 1627, p. 32 fig. 6 détail.
 Pluvinel 1629, p. 38 fig. 6.
Pluvinel 1666, p. 28 fig. 6.

« M. de Potri »
 
Pluvinel 1628, p. 22 fig. 6.

Portraits de Charles de Biencourt seigneur de Poutrincourt de Saint-Maulvis et de Chauvincourt dans Pluvinel 1625.

p. 26 fig. 4.

p. 34 fig. 6.

p. 38 fig. 7.

p. 46a fig. 19.

p. 46b fig. 10 et 32.

p. 54b fig. 12.

p. 56 fig. 14.

p. 124 fig. 19.

p. 126 fig. 32 et 10.

p. 130 fig. 33.

p. 150 fig. 38.

p. 154 fig. 39.

Ce somptueux recueil a été « Imprimé A PARIS Au depens de Criſpin de Pas le vieux [vers 1565-1570 - 1637] a Vtrecht 1625 » et l'auteur de ces magnifiques gravures est son fils Crispin de Pas le jeune (1593 ou 1594 - 1670).

« Le fils ainé CRISPIN LE JEUNE naquit en 1593 ou 1594. [...] en 1617 il y [Paris] séjourna, car le seigneur de Pluvinel fondateur d'un manège-académie, ayant demandé au Prince Maurice d'Orange, un des plus brillants capitaines de l'époque, un artiste pour instruire la jeune noblesse dans l'art du dessin, c'est Crispyn qui fut envoyé à Paris. On trouve dans l'ouvrage Le Maneige Royal des planches qui réprésentent le jeune roi à l'âge de 16 ans, donc en 1617 et il est évident que ces belles gravures ont été dessinées d'après nature. D'ailleurs à la mort de Pluvinel en 1620, la moitié des planches du Maneige étaient déjà finies [Franken 1881, p. xi-xii]. »

Pluvinel 1625 signatures en p. titre.

Attribué à Adam De Coster (1586-1643), Luthiste avec un instrument à 7 choeurs, Dresde Gemaldegalerie (Caracciolo 2022.12.10).

Attribué à Adam De Coster (1586-1643), Luthiste, huile sur toile, 110 x 81 cm, Munich (Caracciolo 2022.12.10).

Port-Royal, lieu fondateur de l’Acadie (web ou pdf).

« abitasion du port royal », gravure (Champlain 1613, p. 99).

Charles de Biencourt seigneur de Poutrincourt de Saint-Maulvis et de Chauvincourt, écuyer émérite familier de la cour royale, était connu de son cousin du même prénom, Charles de Biencourt baron de Saint-Just (Huguet 1932, p. 461 et 471), vice-amiral de l’Acadie et successeur de son père au poste de commandant de l’établissement de Port-Royal en Nouvelle-France.

Cette grande famille était lettrée et cultivée ; il n'est donc pas étonnant que le père de Charles, Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just, ait pu s'intéresser à la musique et à ses instruments, dont le manicordion et le luth, illustrés dans cette allégorie de la musique à l'époque de son adolescence.

Cornelis Cort, d'après Frans Floris, publiée par Hieronymus Cock, MVSICA, one of the Seven Liberal Arts, 1565, gravure, 227 x 285 mm, British Museum 1950,0520.411.

« Outre cette éducation, qui consistait, comme on l'a vu, dans des exercices corporels, dans l'équitation et dans le maniement des armes, Jeanne de Salazar fit enseigner à son fils dernier né l'histoire, la philosophie et les langues anciennes (1 Il est l'auteur d'une lettre en latin qu'il envoya au pape en 1607, dont il sera reparlé plus loin ; il est probable que son secrétaire Lescarbot l'aida dans cette rédaction.). Bagage plus rare encore dans la somme des connaissances d'un gentilhomme du XVIe siècle, elle lui donna des maîtres de musique, de telle sorte que Jean, adolescent, se servait agréablement du luth et du manicordion (2 Cet enseignement était réservé aux seigneurs de bonne maison. Bassompierre, jeune, avait appris en Allemagne à jouer du luth et à danser. Le Noblesse française, par le vicomte d'Avenel, p. 44, et passim.). La passion du jeune homme pour l'étude de cet art alla plus loin. Il s'essaya à composer des chants d'église, et peut-être aussi, dans ses longs séjours au manoir de Poutrincourt s'appliqua-t-il à improviser des airs de musique profane, afin de charmer la mélancolie de ces lieux plutôt solitaires, qui ne connaissaient d'autres harmonies que celle de la flûte des pâtres et le chant monotone de la mer voisine. Sans doute se réfugia-t-il, tant qu'il resta dans l'immédiate dépendance maternelle, dans ce délicat passe-temps qui lui permettait d'adoucir à Jeanne de Salazar l'amertume du veuvage (1 Dans son exploration sur les côtes du Maine, il évoquait la douce mélopée des bergers de ses seigneuries, en face de la cacophonie des musiques indigènes. LESCARBOT. Histoire de la Nouvelle France, éd. 1612. Le service divin au Port Royal en Acadie, "estoit ordinairement chanté en musique de la composition dudit sieur". Relation dernière de ce qui s'est passé au voyage du sieur de Poutrincourt en la Nouvelle France, depuis 20 mois en ça. Paris, Jean Millot, 1612.) [Huguet 1932, p. 43-44, collaboration Paul-André Dubois]. »


Anonyme, Italie, voire Espagne ou Portugal, Clavicorde lié dit de Lépante, fin du XVIe siècle, longueur totale 1131 mm, largeur clavier 618 mm, Paris, Musée de la musique, E.2111 (web ou pdf).    
Anonyme, d'après Jan Saenredam (1565-1607) d'après Hendrick Goltzius (1558-1617), L'Ouïe, élément d'un ensemble sur les cinq sens, fin XVIe siècle ou début XVIIe, huile sur bois, 63,8 x 51 cm, Dijon, Musée Magnin, 1938 E 242.

Une savante analyse lexicale et organologique, solidement documentée, démontre qu'en français le terme manicordion a été utilisé depuis le XVIe siècle pour désigner un petit instrument à clavier et à cordes frappées par des tangentes ; ce terme est remplacé au milieu du XVIIIe siècle par le mot clavicorde lors de l'arrivée à Paris des grands instruments germaniques portant le nom de clavichord (Christophe d'Alessandro, Un tournant lexical et organologique, du manicordion au clavicorde en français, web ou pdf). Mais, cette nouvelle mouture ne résista pas longtemps au nouveau règne du piano-forte !
Ce tableau est contemporain de Poutrincourt : il montre à la fois le manicordion et le luth pratiqués en duo par une femme et un homme. Étant donnée la petite taille de ces deux instruments, Poutrincourt a donc pu facilement les transporter à Port-Royal pour s'y adonner à sa passion de la pratique et de la composition musicale.

Reconstitution de l'habitation de Port-Royal : salle à manger et chapelle (photos RD 27 juillet 2010).

Jean de Biencourt de Poutrincourt et de Saint-Just séjourne à Port-Royal durant les belles saisons de 1604, 1606, 1607, 1610, 1611, puis 1614, faisant autant de va-et-vient en France.

« Pendant son séjour en Acadie, il avait essayé, grâce à son talent musical, à son érudition et à son goût très fin, de répandre l’amour du beau dans la petite colonie dont il était chargé [DBC web ou pdf du 15 octpbre 2013]. »

Il est fort probable qu'il sut, à l'instar de Samuel de Champlain, y faire bonne chère tout en meublant de musique la salle à dîner et la chapelle, de dimensions réduites, ce qui convenait bien aux timbres doux de son manicordion et de son luth.

Dans le tableau de cette époque initulé Joyeuse compagnie autour d'une table, il semblerait que l'instrument en vedette soit plutôt un cistre. Par contre le luth figure à gauche, aux pieds de l'Allégorie de la vanité, dans une autre composition de cette période.

« ordre de bontemps » dans Champlain 1613, p. 148-149.

Anonyme, Italie Latium, Joyeuse compagnie autour d'une table, 1er quart du XVIIe siècle, huile sur toile, 1,22 x 1,71 m, Louvre RF 541.

Gillis Coignet (1542–1599), Allegory of Vanity, 1595, oil on canvas, 200 x 158 cm, Baron Gérard Museum (Wikipedia).

Reconstitution de l'habitation de Port-Royal : façade (photos RD 27 juillet 2010).

 

Le luth en Nouvelle-France

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