Gérard Morisset (1898-1970)

1934.12.06 : Peintre français - Besnard, Paul-Albert

 Textes mis en ligne le 24 février 2003, par Josée RIOPEL, dans le cadre du cours HAR1830 Les arts en Nouvelle-France, au Québec et dans les Canadas avant 1867. Aucune vérification linguistique n'a été faite pour contrôler l'exactitude des transcriptions effectuées par l'équipe d'étudiants.

 

Peintre français - Besnard, Paul-Albert 1934.12.06

Bibliographie de Jacques Robert, n° 101

L'Événement, 6 décembre 1934, page 4.

PAUL-ALBERT BESNARD

La France artistique est en deuil, un deuil que le monde entier partagera puisque beaux-arts et sciences ne connaissent pas de frontières et que Paul-Albert Besnard était reconnu comme la plus grande figure de la peinture actuelle. Ce maître descend dans la tombe à quatre-vingt-cinq ans, laissant une œuvre immense qui fera l'admiration de la postérité comme elle a su conquérir - ce qui est rare et démontre bien sa puissance - les suffrages des contemporains. Besnard n'ignora aucun des secrets de la peinture et il excella dans tous les genres: tableaux, compositions murales, portraits, eaux-fortes. Il fut l'un des premiers à représenter en de saisissants symboles la chimie, l'électricité, la télégraphie sans fil (plafond du Salon des Sciences à l'Hôtel-de-Ville de Paris). Maître de l'exotisme aussi, puissant anatomiste et réaliste (comme Michel-Ange il insufflait la vie et le corps humain ne fut jamais peint avec plus de vigueur et d'amour). Artiste jusque dans le moindre détail et d'une touche d'une extrême délicatesse quand il le fallait. Notre qualité de profane nous interdisant un pareil sujet, nous avons prié un de nos jeunes concitoyens, qui a connu Besnard à Paris où il a aussi étudié son œuvre, de nous communiquer quelques-unes de ses impressions sur l'illustre disparu. M. le notaire Gérard Morisset, docteur es-arts et attaché honoraire au Musée du Louvre, a alors crayonné ces quelques notes qui feront les délices de nos lecteurs:

C'était un homme étrange. Au physique tout en graisse. Une tête solide encadré de barbe blanche, un ventre énorme monumental, qui pesait lourdement sur des jambes trop courtes. Quand il était assis, on songeait à l'irrévérencieux portrait de Renan par Bonnat. On dirait un jeune éléphant des bords du Gange. En effet, son large nez ressemblant à une trompe naissante, ses joues tombantes, grasses, qui s'agitaient quand il secouait la tête, son ventre épais, ses jambes fortes comme des colonnes et jusqu'à un dandinement indécis, tout en lui contribuait à lui donner l'aspect du puissant mammifère indien. Dans cette masse de chair, un regard d'une étonnante mobilité. Ses sentiments, il les exprimait par ses yeux gros, caressants, à l'ombre sous des paupières fortement ourlées.

Au moral, quel autre homme! Il était tout en finesse, tout en nuances.Il ressentait les émotions les plus ténues Il les exprimait aussi dans toute leur subtilité. Il parlait peu mais avec calme appuyant ses phrases de gestes menus et élégants. "L'œuvre de Besnard", a dit Camille Mauclair est une sorte de synthèse fort curieuse et puissante des préoccupations de notre époque. Ces préocupations on les connaît recherche du symbolisme humain et Besnard fut un merveilleux poète de la paraphrase picturale notamment dans les peintures du PetitPalais et le plafond du Théâtre français, recherche de la ligne sinueuse et expressive, et le dernier des disciples d'Ingres en fut aussi le plus sincère; recherche de la qualité décorative et son admirable " Ile heureuse " - thème renouvelé de l'Embarquement pour Cithère - et les créations de l'École de Pharmacie s'apparentent à ce que l'art vénitien a produit de plus somptueux; recherche de la nouveauté sous toutes ses formes, et Besnard a conçu les scènes évangéliques comme des faits contemporains, entourant le Christ en croix d'ouvriers en blouses et de juifs en jaquettes (fresques de l'Hôpital de Berek-Plage); il a mis en œuvre toutes les ressources de la technique moderne.

Dans ses toiles, tout vibre, tout chante la lumière,tout éclate en concerts sonores ou en accents d'une profonde sincérité, telles ses féériques études de nu, telles ses eaux-fortes représentant la mort, à la fois macabres et désespérantes.

Les jeunes et fougueux iconoclastes de l'âge contemporain ont essayé de briser bien des idoles. Ils ont respecté Besnard. L'homme était grand par son caractère, plus grand encore par la spontanéité de son œuvre. Il était selon l'expression d'Abel Fabre, "le plus peintre de nos peintres modernes."

Dans les quelques notes biographiques que nous avons publié hier matin sur Paul-Albert Besnard, nous avons omis de dire que ce grand peintre français fut directeur de la Villa Médicis de 1918 à 1922. Il devint ensuite directeur de l'Ecole des Beaux-Arts et exerça cette fonction jusqu'en 1931. Il appartenait également à l'Académie des Beaux-Arts et, depuis 1924, à l'Académie Française. Québec avait eu sa visite en 1920. Il aima notre ville et devina qu'il y avait chez nous des talents à développer puisqu'a son retour en France, c'est lui qui conseilla à M. Lucien Martial d'accepter le poste de professeur à l'hôtel des Beaux-Arts de Québec que ce dernier occupe. Le vieux maître impressionna vivement tous ceux qui eurent la joie de le rencontrer ici, et qui n'oublieront jamais la gloire qu'il a fait rejaillir sur son pays et sur son siècle.

 

web Robert DEROME

Gérard Morisset (1898-1970)