La « médaille » du baron de Fouencamps et l'iconographie de la Vierge à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-SecoursMarguerite Bourgeoys |
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De Troyes à
Ville-Marie
Sa dévotion
à la Vierge
La construction de la
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours
Portrait de
Marguerite Bougeoys peint par Pierre LeBer le 12 janvier
1700, immédiatement après la mort de la
religieuse, huile sur toile, Montréal,
Musée
Marguerite-Bourgeoys.
En 1640, à Troyes, Marguerite Bourgeoys (1620-1700) décide d'entrer dans la congrégation externe de Notre-Dame sous l'influence de la Vierge, telle qu'elle le relate dans ses écrits :
« En 1640, le dimanche du Rosaire, j'aillai à la procession aux Jacobins [Dominicains], où il [y] avait grand monde ; et comme le cloître ne suffisait pas on traversa une rue et on repassa devant le portail de [de l'abbaye de] Notre-Dame [aux-Nonnains] où il y a, au-dessus de la porte, une image de pierre [de la Vierge]. Et, en jetant la vue pour la regarder, je la trouvai très belle et, en même temps, je me trouvai si touchée et si changée que je ne me connaissais plus. Et retournant à la maison, cela paraissait à tous (Simpson 1999, p. 13, 14 et 29, référence à Bourgeoys 1964, p. 234, "écrit en 1697, à l'âge de soixante-dix-sept-ans"). » « Premièrement, en 1640, à la procession du Rosaire, qui m'a semblé depuis être la première année que l'on est venu à Montréal, j'eus une forte touche en regardant une image de la Sainte Vierge. Et, en ce même temps, la soeur de Monsieur de Maisonneuve [Louise Chomedey], religieuse de la Congrégation [de Notre-Dame], donna une image à son frère où était écrit en lettres d'or : "Sainte Mère de Dieu, pure Vierge au coeur loyal [sic], gardez-nous une place en votre Montréal" (Simpson 1999, p. 14 et 28, référence à Bourgeoys 1964, p. 203-204, projet de lettre à Louis Tronson, 1695 ). » |
« C'est au XIIIe siècle que fut construite l'Abbaye Notre Dame aux Nonnains, qui faisait face au second Palais des Comtes de Champagne, en lieu et place de l'actuelle préfecture. Son église Saint Jacques était célèbre pour son portail, et lui valut le nom de "Saint Jacques au Beau Portail". [...] L'abbaye et l'église furent partiellement détruites à la révolution, et laissèrent place à une première préfecture, dont le corps central utilisait les murs de l'ancienne abbaye. En 1892, un incendie détruisit le bâtiment, qui fut reconstruit sur le même plan pour laisser place à la préfecture que l'on connaît aujourd'hui (Hervé Grosdoit-Artur, "Notre Dame aux Nonnains et Eglise St Jacques", Site du Vieux Troyes). » « La statue qui surmontait le portail de Notre-Dame-aux-Nonnains, comme l'ensemble du monastère, n'a pas survécu à la révolution [...] Mais plusieurs autres statues de Marie, remontant à l'époque de Marguerite, exitent encore dans les églises de Troyes où on les a replacées après la Révolution. Chaque statue n'a peut-être pas été replacée dans l'église d'où elle avait été enlevée, mais les anciennes églises de Troyes sont situées à proximité les unes des autres, de sorte que les statues devaient toutes être connues du peuple. (Simpson 1999, p. 31-32 et 213 note 68). » |
Marguerite Bourgeoys arrive à Ville-Marie en 1653 en compagnie de Paul Chomedey de Maisonneuve avec qui elle partage le quotidien pendant cinq années. Lors d'un pèlerinage au site de la croix du Mont-Royal, érigée le 6 janvier 1643, Marguerite retrouve l'image donnée par Louise Chomedey fixée sur la croix abattue par des Iroquois. Elle relatera ces événements en établissant un lien entre ces deux images de la Vierge qui ont marqué son entrée dans la Congrégation de Notre-Dame et orienté ses pas vers Montréal :
« [l'image] se trouva en pauvre état. Il y avait, écrit en lettres d'or, à l'entour de l'image : Sainte Mère de Dieu, pure Vierge au coeur royal [sic], gardez-nous une place en votre Montréal. Et, cette même année [1640], j'avais eu une touche par la vue d'une image qui est au-dessus du portail de Notre-dame, à Troyes, à la procession du Rosaire (Simpson 1999, p. 14 et 60, référence à Bourgeoys 1964, p. 37-38). »
Le thème de la Vierge-Mère à l'enfant Jésus emmailloté, est donc tout à fait approprié à Marguerite Bourgeoys. Tout d'abord à cause de sa vénération à Notre-Dame dont sa communauté porte le nom. Mais aussi parce qu'une de ses oeuvres principales sera l'éducation des enfants qui, selon Patricia Simpson, a pu être influencée par l'omniprésence du thème iconographique de l'Éducation de la Vierge dans les oeuvres d'art que Marguerite Bourgeoys avait sous les yeux dans les églises de Troyes (Simpson 1999, p. 30-35).
« À son arrivée à Ville-Marie, Marguerite Bourgeoys ne trouve pas d'enfants d'âge scolaire, à cause de la mortalité infantile : "On a été environ 8 ans que lon ne pouvoit point élevé danfants" (DBC). »
Vers 1655-1657 débute la corvée de la construction de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, première église de pierre à être bâtie à Montréal : on en jette les fondations et on construit un appentis de bois. Le projet avait été approuvé par le jésuite Claude Pijart (1600-1683), curé de Montréal de 1653 à 1657, qui avait également choisi le nom de cette chapelle de pèlerinage, Notre-Dame-de-Bon-Secours (Simpson 2001, p. 36),
« très approprié à la situation toujours précaire de la petite colonie. [...] Un missionnaire jésuite, Simon Le Moyne [1604-1665], passant par Montréal à cette époque, posa la première pierre et le major Lambert Closse, qui remplaçait le gouverneur durant son séjour en France [Paul Chomedey de Maisonneuve, 3e voyage, départ à la fin août ou à l'automne 1655, retour en juillet 1657], fit graver une plaque de cuivre (Simpson 1999, p. 127-128) ».
Les sources utilisées par Simpson 1999 (p. 127-128) au sujet de cette plaque de cuivre gravée, liée à la pose de cette première pierre de la première chapelle vers 1655-1657, proviennent des Écrits de Marguerite Bourgeoys :
« Le Père Pijart la nomme Notre-Dame-de-Bon-Secours. Le Père Le Moyne met la première pierre. Monsieur Closse fait graver sur une lame de cuivre avec l'inscription nécessaire et les maçons commencent. Mais la même année, Monsieur de Queylus est arrivé de Québec et je lui ai écrit pour cette bâtisse. Et a fait tout arrêter jusqu'à son arrivée à Montréal et il a demeuré à Québec toute l'année (Bourgeoys 1964, p. 56, référence obtenue grâce à la collaboration du Musée Marguerite-Bourgeoys. Gabriel Thubières de Lévy de Queylus (1612-1677), d'après le DBC, est le premier supérieur qui fonde en 1657 le séminaire de Saint-Sulpice à Montréal). »« Quand je me trouvais en peine, je m'adressais à la très Sainte Vierge et lui promettais que je lui ferais bâtir une chapelle ; aussitôt, je trouvais ce qui m'était nécessaire, et cela, par plusieurs fois (Huet 1995, p. 23, référence à Bourgeoys 1964, p. 172-173). »
Cette « lame de cuivre » serait-elle la même plaque que attribuons à Pierre Chevrier, baron de Fouencamps, ou bien une autre ? Lambert Closse avait-il des armoiries telles que celles retrouvées sur la plaque actuelle ? Massicotte 1915-1918 ne lui en attribue pas ! Le Dictionnaire biographique du Canada ne lui attribue aucun titre pouvant démontrer une noble ascendance avec blason ! Si Closse avait fait graver une plaque de cuivre aussi sophistiquée, il n'aurait certes pu la faire faire ni à Ville-Marie, ni en Nouvelle-France, car aucun artisan n'y était capable de réaliser une oeuvre de ce calibre et de cette complexité artistique ! D'ailleurs, les armuriers qui pratiquaient parfois l'orfèvrerie, ou les orfèvres, n'ont commencé leurs activités professionnelles en Nouvelle-France que bien après 1657 : Jean-Baptiste Villain et Jean Soullard à Québec en 1666, Guillaume Baudry à Trois-Rivières en 1682, René Fézeret à Montréal en 1692 (Derome 1974a, Derome 1974b, Landry 1992) ! De toute façon, cette « lame de cuivre », qui devait présenter seulement du texte, ne dut pas survivre à la dispersion des matériaux de la chapelle telle que constatera Marguerite Bourgeoys après son retour en 1659 :
« À mon retour de France, je trouvai les matériaux qui avaient été disposés pour la chapelle tous dispersés (Simpson 1999, p. 170). »
En 1658 Marguerite Bourgeoys avait accueilli ses premiers écoliers avant de retourner en France : « dans le desain d'amener quelques filles pour maider a recorder les enfants », soit Edmée Châtel, Marie Raisin et Anne Hiou.