TEKAKWITHA. |
1717-1819 Gravures anciennes,
portraits hagiographiques fictifs issus des écrits de Cholenec.
| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
Fictions évolutives orphelines des modèles originaux perdus.
Les modèles originaux par Chauchetière ont tous été perdus. Cette section étudie les gravures du portrait de Tekakwitha publiées de 1717 à 1819, la majorité en accompagnement du texte de Pierre Cholenec (1641-1723) dans les Lettres édifiantes, les autres par Bacqueville de Lapotherie, un ami des jésuites. Celle de 1724 accompagne une traduction espagnole du texte de Cholenec par Urtassum 1724. Une gravure postérieure, publiée par Shea en 1854, est étudiée dans le cadre de l'attribution du portrait de Tekakwitha au XIXe siècle, ainsi que celles publiées par Burtin en 1894.
1717 LeÉd 1717 v12 PJCB p118. |
1722 Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
1723 Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
1724 Urtassum 1724 PJCB 11797. |
1741 LeÉd 1741 v12 AAUM p118. |
1753 |
1781 LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
1810 LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
1819 LeÉd 1819 v04 BNF p025. |
L'étude des gravures, éditées de 1717 à 1819, démontre que le plus ancien portrait connu de Tekakwitha est une persona, tout à fait fictive, créée par un graveur anonyme, d'après les descriptions de Cholenec, pour accompagner son texte publié dans les Lettres édifiantes, puis sensiblement modifiée au fil des rééditions. Celle de 1724 illustre également le texte de Cholenec, mais dans une traduction espagnole et dans un contexte théologique très différent. S'inspirant du même modèle iconographique, elle manifeste cependant plusieurs intéressantes adaptations au contexte colonial mexicain. John Gilmary Shea, un émule de Félix Martin, en donne une intéressante version gravée américanisée publiée en 1854. Cette première iconographie se caractérise par la figure debout dans un paysage, la croix tenue à la main et la couverture sur la tête qui seront largement réutilisés par la suite. |
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| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
Les gravures : les plus anciens portraits conservés.
Aucun des portraits que Chauchetière a produits de Tekakwitha après son décès en 1680 n'a été conservé. Le plus ancien qui soit connu est gravé près de quatre décennies plus tard et publié par les jésuites dans les Lettres édifiantes de 1717 en frontispice d'une lettre de Pierre Cholenec (Cholenec 1715.08.27). Ce texte apporte plein d'éléments sur Tekakwitha, mais rien sur cette gravure ou son auteur ! Cholenec se réfère à cette publication dans une autre lettre publiée l'année suivante à propos de néophytes torturés (Cholenec 1718, p. 394-436). Quatre autres paraissent dans les Lettres édifiantes en 1741 (une reprise de celle de 1717), puis de nouvelles interprétatons en 1781, 1810 et 1819. Ces illustrations, qui établissent les bases des premières conventions iconographiques de Tekakwitha, n'ont que peu de choses en commun avec les dessins connus de Chauchetière. En outre, leur étude attentive démontre leur constante évolution et modification au fil du temps au gré du syncrétisme des standards locaux de production si éloignés de l'observation ethnographique de Chauchetière sur le terrain. On doit donc les considérer comme des portraits hagiographiques fictifs inhérents à la propagande visant la canonisation de leur modèle. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p118. |
LeÉd 1741 v12 AAUM p118. |
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Les jésuites ont beaucoup voyagé. Et ils nous font toujours voyager. Au XVIIe siècle avec leurs Relations. Et au XVIIIe siècles avec leurs Lettres édifiantes et curieuses (LeÉd). Ces voyages sont décuplés par les nombreuses rééditions. Et il n'est pas aisé de s'y retrouver. Invités dans ces pays au moeurs inconnues, on passe d'une édition à l'autre dans des assemblages qui varient. Le tableau de droite présente la chronologie des volumes consultés (LeÉd). Les illustrations se retrouvent ici, là ou ailleurs : le portrait de Tekakwitha au v12 en 1717 et 1741, au v06 en 1781 et 1810, puis au v04 en 1819 ! Les numérisations procurent un accès facilité à ces livres rares, mais les séries ne sont pas toujours complètes (la gravure est absente des deux lettres de Cholenec dans LeÉd 1830 v10). Bien qu'elles paraissent semblables, ces gravures varient d'une édition à l'autre, d'une période à l'autre, d'une numérisation à l'autre. Chaque graveur y apporte une touche personnelle. À chaque fois, la représentation de la portraiturée originale s'en trouve de plus en plus étrangère, éloignée par couches successives des mytérieux portraits originaux de Chauchetière qui ne sont toujours connus que par l'écrit ! |
LeÉd 1717 v12 PJCB frontispice. |
Tableau chronologique des volumes consultés des LeÉd. |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Bacqueville de La Potherie (1663-1736), un ami des jésuites, se fait son propagandiste.
Les nombreuses pages qu'il lui consacre s'agrémentent de gravures en 1722, 1723 et 1753, dans son Histoire de l'Amérique septentrionale et ses rééditions, dont le graveur Jean-Baptiste Scotin signe le frontispice (Gagnon 1975, p. 91 note 26).
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En 1724, se décrivant sous les titres de « Profeſſo de la compañia de Jesus, y Calificados del S. Tribunal [p. titre] », Urtassum publie La gracia triunfante en la vida de Catharina Tegakovita, india iroquesa... (Urtassum 1724). La traduction du texte de Cholenec s'augmente de démonstrations rhétoriques dans un contexte théologique très particulier, celui de la promotion de l'accessibilité des femmes indigènes à la vie conventuelle, où son hagiographie exemplaire sert de démonstration (Diaz 2013, p. 56-62). En outre, l'ouvrage contient des biographies de mexicaines, ainsi qu'une défense de ce projet par Juan Ignacio de Castorena se présentant sous une écrasante panoplie de titres ecclésiastiques plus ronflants les uns que les autres. Les éditions en ligne de cet ouvrage ne reproduisent pas le frontispice très original et particulier consacré à Tekakwitha, mais on le retrouve à la John Carter Brown. Une imposante frise florale lui sert de cadre. L'image s'inspire du modèle source de 1717, mais avec d'importantes adaptations par le graveur mexicain anonyme : traitement beaucoup plus artisanal et moins savant, allongement de la jupe pour couvrir les jambes, figure plus trapue, portion réduite consacrée au ciel. Mais, la plus grande différence réside dans la représentation des abondantes cicatrices de la variole sur le visage et les mains. Outre le contexte hispanophile qui a une propension à accentuer la représentation des sévices, celle-ci est en phase avec les textes décrivant les souffrances qui permettent d'accéder à une vie sainte, tout comme celles des émules mexicaines... Pour la publication on a fait appel à Joseph Bernardo de Hogal. Arrivé au Mexique en 1720, il installe une imprimerie l'année suivante sur la rue de Monterilla à Mexico. En 1724, il acquiert de nouveaux équipements en Espagne et on lui accorde le titre d'imprimeur majeur de la ville en 1727. Ses abondantes publications, jusqu'à son décès en 1741 (web ou pdf), seront poursuivies par sa veuve (web ou pdf). Urtassum 1724 PJCB 11797 (collaboration de Paul-André Dubois pour la source de cette image). |
En 1781, les Lettres édifiantes publient ce portrait de Tekakwitha qui rompt avec le style des précédentes gravures par la représentation du ciel, du visage, des habitations près des collines à l'horizon et autres détails. Il est signé par un graveur prolifique et reconnu. Selon le catalogue de la BNF, le plus ancien ouvrage illustré par Nicolas Ransonnette (1745-1810) date de 1771 alors qu'il est âgé de 26 ans. Dix ans plus tard, son portrait de Tekakwitha fait état de son titre de graveur ordinaire de Monsieur, soit le frère cadet du roi Louis XVI, Louis Stanislas Xavier de France alors âgé de 26 ans, une reconnaissance de son talent et une position enviable dans la haute société.
Nicolas Ransonnette (1745-1810), « Gravé par N. Ransonnette Graveur O.re de Monſieur », LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
Jean-Dominique-Étienne Canu (1768-1844), « Canu Sculp. rue St. Jacques N°. 4 », LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
Les modifications au portrait gravé entamées par Ransonnette en 1781 sont amplifiées par les nouvelles gravures publiées dans les Lettres édifiantes... en 1810 et 1819. Signalons, parmi plusieurs changements, le ciel, le visage, les habitations près des collines à l'horizon. Ces gravures sont respectivement signées par Jean-Dominique-Étienne Canu (1768-1844) et « Porlier Sculp ».
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LeÉd 1780 v01 PJCB p339, cul-de-lampe de la
Lettre D'un Miſſionnaire en Grece au Pere Fleuriau :
« relation de notre voyage depuis Marſeille jusqu'à Smyrne. »
| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
Modèle d'origine par Cholenec : Lettres éditiantes 1717.
Cette gravure est le plus ancien portrait connu de Tekakwitha. Elle ne porte aucune signature du dessinateur qui a fourni le modèle (habituellement en bas à gauche), ni du graveur qui a préparé la plaque (habituellement en bas à droite). Aucune des autres gravures de cet ouvrage ne présente de signature : ni la page titre, ni les bandeaux, lettrines, culs-de-lampe, plans ou portraits. Dans la première série des volumes consultés (allant de LeÉd 1705 v05 à LeÉd 1773 v34), la seule gravure pleine page signée est un plan par « Delahaye Sculpsit » (LeÉd 1738 v23 p. 104). Carte de la Mission des Moxes p. 1 ; Missionnaire de la Compagnie de Jésus aux Indes p. 106 ; Brame Premier Ministre Maduré aux Indes p. 110 ; Ranga Mouttou Fils d'un roi de Maduré p. 110 ; Catherine Tegahkoüita Iroquoise morte en Odeur de sainteté dans le Canada p. 118 ; Cours du fleuve Maragnon p. 212 ; Plan de la ville et de la rivière de Ganjam p. 408.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118 (reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118). |
Dans sa lettre accompagnant cette gravure, Cholenec ne fait aucune référence au portrait de Tekakwitha, ni à ceux de Chauchetière. Cette gravure ne présente d'ailleurs aucune ressemblance avec les dessins connus de Chauchetière, ce que démontre la comparaison systématique des paysages, de sa figure et de ses visages. L'interprétation des manuscrits de Chauchetière au XIXe siècle a pu laisser penser qu'il était l'auteur du modèle ayant servi au graveur. Mais elle n'était basée que sur ses écrits puisque ses dessins n'ont commencé à être connus que par les publications de François-Marc Gagnon en 1975 ! Voir l'analyse de la publication par Walworth de la biographie de Chauchetière sur Tekakwitha et plus particulièrement les passages sur son portrait et ses nombreuses images sur des feuilles volantes produites en 1681 et dont aucune n'a survécu ! Tout comme sa grande image ou son portrait de Tekakwitha qui a péri en mer lors de son envoi à son frère en France en 1694 ! Alors qu'en 1685-1686, ses projets de dessins sur Tekakwitha pour sa Narration n'avaient jamais été complétés ! Vers 1696, l'intendant de Champigny, guéri par l'intercession de Tekakwitha, fait faire plusieurs petits tableaux qu'il distribue. Ces images, produites en assez grand nombre, sont distribuées au Canada et même à la cour de France par Mme de Champigny. On peut légitimement présumer que ces multiples portraits n'étaient pas tous de la main du missionnaire ! Et, qu'il pouvait déjà circuler des versions différentes de sa physionomie ! L'hypothèse la plus vraisemblable est donc à l'effet que c'est ce graveur Anonyme qui a lui-même dessiné ces traits fictifs de Tekakwitha deux décennies plus tard. Deux indices pointent dans cette direction : la disparité de style avec celui de Chauchetière et le caractère imaginaire des paysages et architectures. Bien sûr, cet artiste aurait pu s'inspirer d'un des hypothétiques portraits qui se serait rendus en France. Mais il est beaucoup plus probable qu'il ait été guidé par ces descriptions dont Cholenec est l'auteur.
Encore une fois, Cholenec se réfère ici à plusieurs images qui n'émanent peut-être pas d'une seule et même source ! Comme le souligne très justement Gagnon, c'est encore Cholenec, et non Chauchetière, qui attire notre attention sur cette image littéraire à la source de la représentation de cette gravure.
Reste donc à savoir qui a pensé faire « peindre » Tekakwitha avec une croix à la main !? Cholenec fait-il alors référence à Chauchetière, son biographe concurrent, qu'il ne mentionne pas ? Ou serait-ce Cholenec lui-même qui, en bon émule de Tartuffe, se tapit derrière cette litote ? LeÉd 1717 v12 PJCB p118 (reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118). |
| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
| Paysages imaginaires | Ciels | Scène | Nature | Architecture |
Les paysages imaginaires des gravures :
de plus en plus étrangers à ceux dessinés par Chauchetière !
LeÉd 1717 v12 PJCB p106, Missionnaire de la Compagnie de Jésus aux Indes. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, Brame Premier Ministre Maduré aux Indes. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, Ranga Mouttou Fils d'un roi de Maduré. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p118 Catherine Tegahkoüita Iroquoise morte en Odeur de sainteté dans le Canada. |
Ce plus ancien portrait de Tekakwitha partage le même v12 que trois autres portraits illustrant un jésuite et deux personnages des Indes accompagnant une lettre, du 21 septembre 1713, du Père de Bourzes, de la mission de Maduré, à Madame la comtesse de Soudé. Or, les conventions de représentation du ciel, du paysage et des architectures y sont les mêmes. Les différences géographiques entre le Canada et l'Inde y sont donc gommées au profit d'une uniformisation aux standards des conventions picturales de ce graveur français Anonyme du début du XVIIIe siècle. Ces paysages imaginaires ne découlent donc pas d'observations ethnographiques sur les lieux et divergent donc considérablement des dessins de Chauchetière, dont aucun de ses portraits de Tekakwitha n'a été conservé. Ces quatre gravures partagent toujours le v12 en 1741 ; mais le portrait de Tekakwitha migre par la suite vers d'autres volumes.
| Paysages imaginaires | Ciels | Scène | Nature | Architecture |
Ciels.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118 (reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118).
LeÉd 1717 v12 PJCB p106, |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
Le ciel est représenté avec une série de lignes horizontales dans les trois gravures représentant des personnages des Indes en 1717, dans le même volume où se trouve la première gravure connue de Tekakwitha : procédé présent dans sa reprise en 1741, ainsi que chez les trois de Bacqueville jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, mais avec des lignes plus abondantes et désordonnées dans celle du graveur mexicain chez Urtassum en 1724.
Chauchetière et ses extérieurs. |
Chauchetière et ses intérieurs. |
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f07r. |
f08r. |
f09r. |
f10r. |
f16r. |
f20r. |
f25r. |
f12r. |
f14r. |
f18r. |
Cette façon de faire est bel et bien utilisée par Chauchetière, mais pour le mur de ses trois représentations d'intérieurs ! Dans ses ciels, Chauchetière utilise surtout le papier vierge et quelques petites lignes avec parcimonie. L'esthétique de ces gravures ne correspond donc pas au style des scènes d'extérieur de Chauchetière et on peut se demander, à juste titre, si elles se sont vraiment inspirées d'un de ses dessins ?
LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
LeÉd 1819 v04 BNF p025. |
Les trois gravures plus tardives des LeÉd modifient complètement cette représentation du ciel en la remplaçant par de nombreux nuages ; ce qui correspond bien aux esthétiques qui leur sont contemporaines à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle ; mais on est alors à des années lumières des procédés utilisés par Chauchetière à la fin du XVIIe siècle !
| Paysages imaginaires | Ciels | Scène | Nature | Architecture |
Mise en scène.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118 (reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118).
Pour son paysage, le graveur crée tout d'abord une scène en hémicycle, à l'avant-plan, par des jeux d'ombres et de lumières avec des plantes et les textures du sol. Cette mise en scène théâtrale permet d'y placer les pieds de Tekakwitha et de mettre sa figure en valeur, telle une statue mythique devant occuper toute notre attention. Afin d'accentuer la perpective aérienne, un monticule surmonté d'arbustes occupe le plan moyen à gauche sur presque la moitié de la hauteur de la composition. Un bourg fortifié se situe à l'arrière-plan gauche, devant une frise de collines minérales, pointées de quelques arbres rachitiques, s'étendant jusqu'à l'extrême droite. On retrouve des procédés tout à fait similaires dans les trois gravures de personnages du Maduré aux Indes.
LeÉd 1717 v12 PJCB p106, |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
Les gravures chez Bacqueville reprennent les mêmes éléments que celle de 1717, mais en les simplifiant à leur plus simple appareil, que ce soit dans le décor dénudé du sol à l'avant-plan, ou celui des collines purement minérales à l'arrière-plan. Celle d'Urtassum est beaucoup moins sophistiquée, présentant partout un travail plus sommaire et des collines avec un peu de végétation.
| Paysages imaginaires | Ciels | Scène | Nature | Architecture |
Chauchetière et la nature.
f07r. |
f08r. |
f09r. |
f20r. |
Ces gravures sont donc très différentes, dans leur traitement de la nature, des dessins de Chauchetière. Lorsqu'elle y est présente, dans quatre de ses dix dessins, elle n'est jamais très éloignée dans l'espace. Elle ne s'ouvre pas vers une perpective lointaine avec un point de fuite, mais est ramenée à l'avant, un peu comme un décor de théâtre. Cette façon de faire accentue la proximité de la flore et de la faune, la rapprochant des personnages situés à l'avant plan, dans la partie inférieure de la page. Contrairement à ces gravures où la nature stérile est éloignée des protagonistes, les dessins de Chauchetière les montrent en lien avec la forêt, les arbres, la culture du maïs, les oiseaux, les cours d'eau, les saisons...
LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
LeÉd 1819 v04 BNF p025. |
Les trois gravures ultérieures suivent des protocoles similaires dans la représentation du paysage. Mais, au fur et à mesure, il devient de plus en plus imaginaire et différent de la gravure d'origine et encore davantage éloigné des dessins de Chauchetière.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118 (reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118).
L'architecture des bâtiments et l'organisation du bourg, dans le détail à gauche, est tout à fait similaire à celles des bâtiments dans les trois gravures des Indes. Mais elle n'a rien à voir avec la vue des bâtiments du dernier emplacement de la mission à Kanahwake selon l'illustration qui en a été faite quelques années plus tard.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118, Catherine Tegahkoüita Iroquoise morte en Odeur de sainteté dans le Canada. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p106, Missionnaire de la Compagnie de Jésus aux Indes. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, Brame Premier Ministre Maduré aux Indes. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p110, Ranga Mouttou Fils d'un roi de Maduré. |
Anonyme, « veue de la mission | du sault st Louis | A Eglise | B maison du missionnaire | C Cabanes ou village des sauvages », vers 1725-1747, dessin, plume, lavis d'encre de Chine et aquarelle, 27 x 37,6 cm (f.), 24,2 x 37 cm (tr. c.), BNF EST VD-20 (B, 1). |
| Paysages imaginaires | Ciels | Scène | Nature | Architecture |
Chauchetière et l'architecture.
f07r. |
f09r. |
f10r. |
f16r. |
f25r. |
Tekakwitha a vécu à Kahnawake, devenu Kateritsitkaiatat, depuis son arrivée en 1677 jusqu'à son décès en 1680. L'architecture illustrée sur son portrait gravé n'a rien à voir avec celle des dessins de Chauchetière, que ce soit la toute petite agglomération de Montréal, les maisons longues, la 2e église (1670-1686) et une cabane à La Prairie, ou la chapelle de Kateritsitkaiatat, lors de sa construction ou de la foudre qui la frappe.
Bacqueville 1722 PJCB v1p351.
Bacqueville 1723 PJCB v1p351.
Chez Bacqueville, les collines sont dénudées et l'architecture, à quelques détails près, pratiquement la même qu'en 1717.
Urtassum 1724 PJCB 11797.
Chez Urtassum on retrouve des éléments de la végétation du modèle d'origine sur les collines, mais avec l'ajout de bâtiments au sommet de celle de droite et une simplification de ceux bâtiments dans la partie gauche.
Pierre Nicolas Ransonnette (1745-1810), « Gravé par N. Ransonnette Graveur O.re de Monſieur », LeÉd 1781 v06 PJCB p040.
Jean-Dominique-Étienne Canu (1768-1844), « Canu Sculp. rue St. Jacques N°. 4 », LeÉd 1810 v06 OUO p033.
« Porlier Sculp », LeÉd 1819 v04 BNF p025.
Les représentations ultérieures, toutes signées par des graveurs, modifient considérablement ces paramètres, en grossissant le bourg et l'étendant à droite tout en le dotant d'architectures de plus en plus fantaisistes et tout à fait étrangères à celles de la mission qu'a connue Tekakwitha.
| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
| Figure gravée | Personnages | Figures de femmes | Vêtements de femmes | Motifs à chevrons |
La figure gravée de Tekakwitha et les personnages dessinés par Chauchetière.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118. |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
Au premier abord, ces gravures de Tekakwitha semblent présenter peu de différences. Celles chez Bacqueville reprennent les mêmes éléments que l'originale de 1717 tiré des Lettres édifiantes, mais avec une simplification des éléments du paysage et de l'architecture. En supposant que les numérisations ont été effectuées avec les mêmes protocoles, leurs proportions diffèrent sur la hauteur, le ciel prenant moins de place et la figure de Takakwitha étant moins élancée. La figure de gravure publiée en 1724 par Urtassum pour la population mexicaine reprend des proportions semblables à celle de 1717, mais modifie considérablement la longueur de la jupe pour cacher davantage les jambes ; quant au ciel, il est lui aussi rapetissé sur la hauteur, encore plus que chez Bacqueville.
| Figure gravée | Personnages | Figures de femmes | Vêtements de femmes | Motifs à chevrons |
Chauchetière et ses personnages.
Chauchetière a peuplé ses 10 dessins de 68 personnages. Il est cependant difficile de déterminer le sexe de certains d'entre eux. Cette description vestimentaire, tirée d'une lettre de Chauchetière en 1682, fournit cependant de précieuses indications.
« [...] les femmes n'ont point d'autres Coiffures que leurs cheueux quelles partagent sur le milieu de la teste, et quelles lient ensuitte par derriere auec une espece de Rubans qu'elles font de peau d'anguille peinte d'un bon rouge. Jy ay esté trompé souuent moy meme, croyant que cestoit de veritable Rubans ; Elles graissent Leurs cheueux qui deviennent par la Noirs comme du Jay. Pour Les hommes lis sont ridicules dans Leurs Cheuelures, et il ny en a pas un qui ne saccomode d'une facon particulière, Les hommes et les femmes portent Les dimanches et Les festes de belles shemises blanches, et Les femmes ont un soin merueilleux de shabiller auec tant de modestie qu'on ne voit rien de deshonneste et de decouuert en elles ; car elles attachent bien cette shemise, Laquelle tombe sur une cotte qui est une Couuerture bleue ou rouge d'une brasse et plus en Carré, elles la plient en double et sans facon La ceignent autour d'elles et La Chemise qui pend sur cette espece de cotte descend Jusqu'aux genoux seulement. lis nous ont a demandé souuent sil ny a point de vanité en leurs habits. lis n'ont de coutume de porter cela qu'a L'esglise. Les Jours de Communion et de feste, pour les autres Jours lis sont pauurement habillez, quoy que modestement [Thwaites 1896-1901, v62, p. 184-186]. »
« COTTE. ſ. f. Partie du veſtement des femmes, qui s'attache à leur ceinture, & qui deſcend juſqu'en bas. Il ne ſe dit plus qu'à l'égard des payſannes, ou perſonnes du peuple ; car les Dames de qualité l'appellent iuppe, particulierement celle qu'elles portent deſſus, & qui est traiſnante [Furetière 1690, p. 672]. »
f07r. |
f08r. |
f09r. |
f10r. |
f12r. |
Tonsahoten et sa femme Gandeacteua. Homme français (peut-être Charles Boquet interprète du père Bruyas). |
Femme autochtone pagayant. Autochtone barreur. Deux jésuites (dont peut-être Pierre Raffeix ?). |
Inconnu dans l'arbre. Femme autochtone fauchant et une autre tenant un nid d'oiseaux. |
Diablesse cornue aux oreilles de chèvre et aux seins nus tenant une fourche. 18 autochtones. |
Femme autochtone au chapelet. Tombeau de Gandeacteua et son mari Tonsahonten, tous deux figurant au f07r. Femme autochtone parlant à un autochtone. |
François-Marc Gagnon a identifié plusieurs personnages de ces dessins (Gagnon 1976 vol. 1 p. 29-54), mais nos interprétations de certains d'entre eux diffèrent légèrement. Les personnages des f07r et f08r ne posent aucun problème, ainsi que les deux femmes autochtones du f09r. Le vêtement du personnage juché dans l'arbre du f09r n'est pas visible ; par contre, sa chevelure pourrait s'apparenter à celles de plusieurs hommes du f10r. Pourrait-on cependant y déceler un observateur ? Par exemple l'auteur de ces dessins ? Face à ces questionnements, il a été classé parmi les inconnus. Les reconnaissances faciales du f10r sont plus complexes. Le titre, On en bannist les boissons, oriente vers un aéropage d'hommes autochtones encerclant une diablesse aux seins nus. Les coiffures de la plupart des personnages sont similaires, sauf pour le #7 qui, par la nature même de cette scénographie, ne semblerait pas devoir être une femme. La coiffure du dernier personnage à droite du f12r, similaire à la plupart de celles du f10r, pourrait indiquer qu'il s'agit d'un autochtone, qui a donc été versé dans cette catégorie. |
f14r. |
f16r. |
f18r. |
f20r. |
f25r. |
Prêtre tenant la crosse. Mgr de Laval. Autochtone. Femme autochtone flanquée de deux jeunes autochtones. Enfant autochtone. |
Femme autochtone pêchant, une autre avec un canot et trois autres de dos. Charpentier français. Deux jésuites (peut-être Frémin et Cholenec) avec un architecte français. |
Sept femmes autochtones faisant voeu de virginité. |
Porteur de croix inconnu. 5 femmes autochtones de dos. Autochtone porteur du dais. Thuriféraire. Autochtone porteur du dais. Prêtre français. |
2 hommes français effrayés par la foudre qui tombe au pied de la chapelle. |
Le f14r est différent des autres dessins. Il commémore un événement protocolaire exceptionnel, la confirmation par Mgr de Laval de plus de 25 autochtones (voir le compte rendu par Dablon de cette visite et l'analyse des bâtiments alors occupés par les jésuites à La Prairie incluant l'intérieur et l'extérieur de cette 2e église où a lieu cette confirmation). Chauchetière choisit de n'en montrer qu'une toute petite sélection de seulement 5 personnes. Sa présentation est donc hautement symbolique, à l'aune de cet important sacrement. La sélection des personnages se doit de refléter les espérances de conversion des jésuites auprès de cette communauté d'autochtones. L'échantillonnage est donc en quelque sorte politique, une volonté de propagande des réalisations jésuites, souvent amplifiées. Ce pourrait donc être un homme autochtone, en pleine force de l'âge et vêtu de ses plus beaux atours, qui reçoit la confirmation. À l'arrière, une femme, aux cheveux partiellement cachés par une coiffe indéterminée, est flanquée de deux jeunes hommes autochtones portant des bandeaux frontaux semblables à celui du porteur de dais au f20r. Le groupe, complété par un enfant, forme ainsi une hypothétique famille autochtone idéalement chrétienne, fruit des efforts mis en oeuvre. Cette scène est toute en fait en phase avec la dévotion à la Sainte-Famille établie à la mission et pour laquelle Chauchetière projetait un dessin au f10v. | Au f16r Gagnon identifie trois jésuites à l'avant-plan droit, alors que celui du milieu porte un habit civil, probablement un architecte aidant à la construction de cette chapelle. Le f18r présente un groupe de femmes ayant fait voeu de virginité, si on en juge d'après le texte de Chauchetière au f19r et par leurs chevelures différentes de celles des hommes au f10r. Au f20r le porteur de croix, à l'arrière-plan gauche, a été placé parmi les inconnus ; le porteur de dais en arrière-plan semble être un jeune homme autochtone qui a donc rejoint cette catégorie ; le thuriféraire semble être un enfant peut-être autochtone ; le deuxième porteur du dais, à l'avant-plan, est identifié à un autochtone adulte par son bandeau frontal même s'il est habillé en civil européen. Au f25r, Gagnon propose d'y voir Chauchetière lui-même saisi dans deux moments temporels différents lors de cet événement cataclysmique ; nous les classons comme deux hommes français qui portent des habits civils. |
Les personnages représentés par Chauchetière sont donc majoritairement des autochtones, 35% de femmes et 46% d'hommes pour un total de 81%, alors que 12% peuvent être identifiés à des hommes français. L'enfant du f14r est certainement autochtone, peut-être également celui du f20r. À lui seul, le f10r présente près du tiers des personnages ; par contre, les 7 femmes du f18r sont les mieux réussies au niveau eshétique. Reste à déterminer si la diablesse du f10r est plutôt une femme autochtone ou française...!? Ces dessins et leurs descriptions permettent de mieux cerner l'habillement autochtone afin d'établir des comparaisons avec la plus ancienne représentation conservée de Tekakwitha, plus de trois décennies plus tard, dans son tout premier portrait gravé, dont le style est de toute évidence fort différent des oeuvres connues de Chauchetière ! |
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| Figure gravée | Personnages | Figures de femmes | Vêtements de femmes | Motifs à chevrons |
Chauchetière et ses figures de femmes.
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LeÉd 1717 v12 PJCB p118. |
| Figure gravée | Personnages | Figures de femmes | Vêtements de femmes | Motifs à chevrons |
Chauchetière et ses vêtements de femmes comparés à ceux de la gravure.
f18r. |
LeÉd 1717 v12 PJCB p118. Reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118. |
f20r. |
La juxtaposition à la gravure de ces deux détails de femmes dessinées par Chauchetière démontre bien l'ampleur des différences irréconciliables entre ses observations ethnographiques sur le terrain et les stéréotypes européanisés du graveur Anonyme. Il est donc pratiquement impossible qu'un dessin de Chauchetière ait pu être utilisé pour illustrer le portrait gravé de Tekakwitha. Les femmes de Chauchetière sont toutes en mouvement dans l'action ; celle de la gravure est statique et rigide. |
La chemise de la femme coupant sa chevelure est dans la réalité, le tissu froissé bougeant avec son geste. On distingue nettement la couture verticale assez grossière unissant le devant et le dos de cette chemise, alors qu'elle est imperceptible dans la gravure. L'échancrure simple de celle de l'autochtone faisant voeu de virginité se retrouve savamment cousue dans la gravure, avec deux éléments plus sophistiqués : un arrondi et une couture décorative tout autour. |
Les couvertures portées sur la tête par les femmes de Chauchetière s'articulent à leur mouvement alors que celle de la gravure est figée dans dans le temps et l'espace. Les pantalons de la gravure présentent des jambes fraîchement repassées sorties de la blanchisserie alors que Chauchetière dessine toutes les femmes avec des jambières ou mitasses formées d'une série de plissements boudinés caractéristiques. |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
La figure d'ensemble de Tekakwitha varie peu entre la gravure de 1717 et les trois publiées chez Bacqueville. Celle chez Urtassum en 1724 présente plusieurs différences : plusieurs variantes aux traits du visage dont la picote qui paraît également aux mains, jupe beaucoup plus plus longue.
LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
LeÉd 1819 v04 BNF p025. |
Mais elle évolue considérablement dans les trois dernières au niveau du visage, des mains,
du vêtement (voile, chemise, jupe, jambières plissées) et de la position des pieds.
| Figure gravée | Personnages | Figures de femmes | Vêtements de femmes | Motifs à chevrons |
Chauchetière et les motifs à chevrons de ses vêtements de femmes.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118.
Reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118.
Sur la gravure de 1717, le décor en liséré de la bordure inférieure de la jupe, rigide et simpliste, n'a rien à voir avec l'authentique motif en chevron répété par Chauchetière sur toutes les jupes de femmes et caractérisé par son mouvement dans l'action des activités quotidiennes : en hiver, dépassant sous la couverture au f07r, lors du passage en raquettes devant l'agglomération de Montréal ; ou bien lors du travail aux champs au f09r. Une représentation du mouvement particulièrement bien réussi, au f09r, caractérise celle grimpant à un arbre pour dénicher des oiseaux : le vent soulève un pan de sa chemise blanche ouverte vis-à-sis son échancrure, laissant voir la jupe avec son décor de chevrons. Ce motif est répété sur plusieurs autres jupes, mais également au niveau du buste sur des couvertures.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118.
Reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118.
Les gravures de Bacqueville et Urtassum reprennent sensiblement le même motif que le premier portrait de 1717 déjà tout à fait étranger aux observations de Chauchetière sur le terrain. Les gravures subséquentes s'écartent encore davantage de ces modèles en inventant d'autres motifs.
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
LeÉd 1781 v06 PJCB p040. |
LeÉd 1810 v06 OUO p033. |
LeÉd 1819 v04 BNF p025. |
| Gravures | Fictions | Gravures | Modèle d'origine | Paysages imaginaires | Figure gravée | Visages | |
| Visages gravés | Chauchetière et ses portraits de femmes. | Le visage de l'huile sur toile. |
Les visages gravés de Tekakwitha et ceux de femmes dessinés par Chauchetière.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118. |
Norinari maître de l'École Hosho d'après Zoami, Masque de femme du théâtre nô, XVIIIe-XIXe siècles, bois peint et laqué, 21,2 cm, signé, British Museum OA+.7105 (web ou pdf ou txt). |
La gravure de 1717 est le tout premier portrait connu de Tekakwitha. Les yeux mi-clos évoquent une personne décédée, dans le cas présent depuis 37 ans. Ce visage n'a aucune caractéristique personnalisée. On doit donc désormais le considérer comme un portrait fictif ou fabriqué. C'est une persona, le masque porté dans le théâtre antique (ou le nô japonais) qui donnait à l'acteur l'apparence du personnage interprété, tout en amplifiant sa voix pour qu'elle porte au loin. C'est exactement le rôle tenu par cette persona de Tekakwitha. Ce masque parle pour elle, longtemps après sa mort. Et le message veut porter très loin, en vue de sa canonisation. Cette persona en est venue à usurper complètement sa véritable identité (comme dans le film éponyme d'Ingmar Bergman) : celle d'autochtone ; celle d'un visage marqué par la variole dont il existe peu de représentations ; un corps blafard et émacié par les sévices corporels extrêmes et les privations excessives (voir les discussions de Greer), ce qui provoque son décès au très jeune âge de 24 ans. Diverses oeuvres d'art récentes ont donc vu juste en la représentant sans visage !
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| Visages gravés | Chauchetière et ses portraits de femmes. | Le visage de l'huile sur toile. |
Chauchetière et ses portraits de femmes.
Les dessins de Chauchetière permettent de se faire une meilleure idée des véritables caractéristiques qu'auraient pu avoir ceux qu'il a fait de Tekakwitha, mais dont aucun n'a été conservé. Ils illustrent plusieurs dépictions très variées des multiples personnalités de femmes dans leur milieu de vie autochtone. Elles sont toutes fortement individualisées, soit dans leur activité, soit dans leur attention portée aux dévotions. Aucun des visages de femmes dessinées par Chauchetière ne porte de masque comme la persona stéréotypée et désincarnée de la gravure !
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| Visages gravés | Chauchetière et ses portraits de femmes. | Le visage de l'huile sur toile. |
Le visage de l'huile sur toile.
LeÉd 1717 v12 PJCB p118. Reprise dans LeÉd 1741 v12 AAUM p118. |
Bacqueville 1722 PJCB v1p351. |
Bacqueville 1723 PJCB v1p351. |
Urtassum 1724 PJCB 11797. |
Le masque idéalisé de Tekakwitha publié en 1717, un portrait fabriqué n'ayant rien à voir avec le personnage réel, est repris chez Bacqueville avec une tentative d'humaniser davantage son visage avec une bouche légèrement souriante. La gravure mexicaine publiée par Urtassum en 1724 reprend la toute petite bouche de 1717 tout en modifiant les sourcils, les yeux et le nez, mais ajoute les cicatrices de la variole !
Les trois autres portraits des LeÉd transforment radicalement le visage en lui donnant des traits beaucoup plus individualisés qui diffèrent fortement d'une gravure à l'autre. Celles de 1781 et 1810 semblent même vouloir renouveler ses traits en leur ajoutant des caractéristiques supposément autochtones. Mais, on s'éloigne donc encore davantage des portraits ethnographiques de femmes dessinés par Chauchetière.
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Le visage de l'huile sur toile, qui est encore très souvent attribuée à Chauchetière, n'a seulement rien à voir avec son style (voir Attribution à Chauchetière basée sur ses écrits), mais il est une copie légèrement modifiée de la gravure parue en 1819, très différente de toutes les autres. Il est donc forcément postérieur à cette date ! Le modèle unique de ce visage de 1819, plus doux et moins anguleux que les deux précédents, a, de toute évidence, très largement inspiré le portrait à l'huile : contour en amande et menton pointu, formes et orientations des sourcils plats, yeux en demie-lune, nez (longueur, arêtes, épatement) et lèvres. L'huile présente toutefois des ajouts et transformations : oreille, collier, encolure, chevelure, le tout dans une orientation du visage passant de la gauche vers la droite, tournant ainsi le dos au passé tout en le célébrant, attitude typique de la vague commémoratique du XIXe siècle en faveur du mythe fondateur, celui du paradis perdu de la Nouvelle-France (voir Un Légaré retrouvé, son tableau d'histoire de Tekakwitha peint en 1843).
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TEKAKWITHA. |