web Robert DEROME

Marie de l'Incarnation et l'orfèvrerie des ursulines au XVIIe siècle.

© Robert Derome, professeur, Université du Québec à Montréal.

Cette étude a d'abord été produite en décembre 1996 à l'occasion d'un nouveau déploiement des collections du Musée des ursulines de Québec ayant pour thématique « Marie de l'Incarnation ». Nous remercions Michèle Bimbenet-Privat de son aide et des informations communiquées sur les orfèvres parisiens.

Édition web 21 novembre 1997 ; améliorée 31 juillet 1998 ; révisée et augmentée juin 2023, août 2024.

Le Québec conserve une centaine de pièces d'orfèvrerie parisienne antérieure à 1717, ce qui représente le quart des collections mondiales qui ont échappées aux fontes. Leur inventaire, réalisé en collaboration avec Michèle Bimbenet-Privat, permet désormais de dater et d'identifier ces poinçons du XVIIe siècle, ce qui était impossible auparavant.

Plusieurs de ces objets sont conservés dans la ville Québec, ce qui s'explique par son rôle de capitale fondée en 1608 (bien avant Trois-Rivières en 1634 et Montréal en 1642), la présence de nombreuses congrégations, mais également de la collection du Musée des beaux-arts du Québec qui entrepose 25 objets provenant de 13 paroisses de campagne.

Les ursulines de Québec se démarquent par la possession de plusieurs pièces antérieures à 1717 dont les nouvelles datations bouleversent les données proposées jusqu'ici par l'historiographie.

Jean Edelinck fecit, P. Mariette ex, La Vénérable Mère Marie de l'Incarnation première supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France..., 1677, burin sur papier, 24,5 x 18 cm (papier), 21,8 x 16,5 cm (coup de planche), 19,4 x 15,5 cm (image), Musée national des beaux-arts du Québec 1993.72.01.

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

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1652 ou 56
1667-68

1671-72

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avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

XVIIe

XVIIe

XVIIe

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées
L'ostensoir Anonyme (1634-1635) et le calice de Pierre Rousseau (1637-1638) précèdent de peu l'arrivée en Nouvelle-France, en août 1639, de Marie Guyart (1599-1672), fondatrice des ursulines de Québec sous le nom de Marie de l'Incarnation (MdL'I). Trois objets d'auteurs Anonyme sont contemporains du séjour de Marie de l'Incarnation (MdL'I) en Nouvelle-France de 1639 à 1672 : le plat à burettes de Nicolas Loir (1652 ou 1656), les burettes (1667-1668) et un goûte-vin de R (1671-1672). Trois objets sont postérieurs au décès de Marie de l'Incarnation (MdL'I) en 1672 : un goûte-vin de IL (avant 1680), la navette (1680-1709) et l'écuelle de Sébastien Leblond et André Balmont (1701-1705). Quatre objets du XVIIe siècle ne peuvent pas être datés précisément : un ciboire, une croix d'autel et un encensoir portant le poinçon de Paris ; ainsi qu'un ciboire fabriqué en Province par l'Anonyme ID.

Richard Short, gravé par C. Grignion, édité par Thomas Jefferys, Londres, Vue de l'Eglise et du Collège des Jésuites de Québec (détail), 1761, gravure.

Certains de ces objets auraient bien pu appartenir aux Jésuites...! Arrivés en 1625, ils occupaient une place prépondérante dans la colonie et possédaient de très riches collections d'orfèvrerie qui furent dispersées le 16 mars 1800 après le décès du père Jean-Joseph Casot. Dans son testament, il nommait 46 pièces d'orfèvrerie (Québec, Archives nationales du Québec, Greffe Joseph Planté, 14 novembre 1794, n° 1333) qu'il désirait léguer à plusieurs communautés ou paroisses de Québec ou des environs : église Notre-Dame, Hôtel-Dieu, , Hôpital Général, Saint-Ambroise de Lorette, Sainte-Foy. Aux ursulines, il léguait nommément : « le second calice, un ciboire ». Il léguait en outre plusieurs objets à Mgr l'évêque de Québec « qui en disposera à sa volonté en faveur des Missions de son Diocese ».

Les documents de la succession des jésuites identifient 147 pièces d'orfèvrerie le 19 mars 1800, puis 154 en 1823-1824. Le lieutenant-gouverneur ne respecta pas intégralement ce legs, et les objets échurent à d'autres légataires qui les retransmirent à d'autres propriétaires, ce qui rend aléatoire leur repérage. Marius Barbeau pensait en avoir retrouvé 70 (Barbeau 1957b, p. 42-87, 237 et 240). La dispersion de ces biens contribue donc à l'abondance de plusieurs collections des communautés religieuses et des fabriques de la région de Québec en orfèvrerie parisienne du XVIIe siècle.

Monastère des ursulines de Ploërmel fondé en 1623 (web).
Couvent des ursulines de Dinan, au nord de l'église Saint-Malo (Wikipedia).
Château de René Sain de la Farinière, Cinq-Mars-la-Pile (Wikipédia).

Léon Leymonnerye (1803-1879), Démolition de la chapelle des ursulines, rue des Ursulines à Paris, pour le percement de la rue Gay-Lussac (détail), 1864, dessin, Musée Carnavalet (Wikipedia).

Quelques pièces d'orfèvrerie pourraient également provenir d'autres sources. En 1651 on a reçu divers objets des ursulines de Sainte-Avoye dont un calice. Au XVIIe siècle on a reçu plusieurs dons d'objets divers : de mères de Paris en 1647, 1651, 1653 et 1687, des ursulines de Ploërmel et de Saint-Malo en 1650, des carmélites en 1662 et de celles de Chartres en 1663, du trésorier de France monsieur Sain en 1671, des messieurs de Fécelles en 1679, de Saint-Cloud en 1687. Plusieurs autres dons d'objets anciens mal identifiés, qu'il serait trop long d'énumérer ici, ont également été fait ultérieurement (Thibault 1973, p. 79, 81, 86 et 105).

Anonyme, Madame de La Peltrie, huile sur toile, Ursulines de Québec (web ou pdf).
Paul Lambert dit Saint-Paul, Lampe de sanctuaire dont le matériau provient de la fonte de l'ancienne argenterie de l'infirmerie, Chapelle des ursulines de Québec, photo RD.

On ne doit pas oublier le rôle de la fondatrice séculière des ursulines, Marie-Madeleine Chauvigny de La Peltrie (Alençon 1603 - Québec 1671), jeune veuve arrivée à Québec la même année que Marie de l'Incarnation et riche bienfaitrice qui a financé l'implantation de la communauté en Nouvelle-France. D'après la tradition, elle aurait donné à l'église des ursulines les crucifix, plat, burettes et encensoir. Elle aurait également doté l'église des jésuites de Québec d'une lampe de sanctuaire avec un « fonds pour l'entretenir » (Ursuline 1935, p. 359, ill. et 371).

Les fontes nous privent également d'informations : par exemple l'ancienne argenterie de l'infirmerie qui fut utilisée par Paul Lambert dit Saint-Paul, en 1739 à l'occasion du premier centenaire de l'arrivée de ursulines, afin de fabriquer la lampe de sanctuaire qui décore aujourd'hui la chapelle du monastère (Trudel 1974a, p. 186, n° 118).

Même si les objets étudiés sont anciens, rien ne prouve qu'ils n'aient été reçus ultérieurement, bien longtemps après leur date de fabrication.

La difficulté d'établir des liens entre les objets existant, leur provenance et les documents d'archives, nous force à la plus grande prudence en ce qui concerne les traditions orales.

Par exemple, on dit du calice de Pierre Rousseau qu'il a appartenu à Mgr de Laval. Or sa date de fabrication (1637-1638) démontre qu'il est bien antérieur à l'arrivée à Québec en 1659 de l'illustre prélat ; ce qui n'implique cependant aucunement qu'il n'ait pas pu lui appartenir...!

Claude Duflos, Franciscus de Laval primus episcopus Quebecensis, 1708, burin.

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

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1652 ou 56
1667-68

1671-72

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avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

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Anonyme, Ostensoir, 1634-1635.

1634-1635

Anonyme, France, Paris, ID ou LD. Ostensoir (recto et verso). 1634-1635. Argent doré. Les pierreries multicolores ne sont pas d'époque ! H 40,4 cm ; Pied 16,7 x 11 cm ; D soleil 15 cm. MO, ID ou LD ; MC de Paris O de 1634-1635. Québec ursulines.

1689-1716.

Loir, Jean-Baptiste, France, Paris (Me 1689 †1716). Ostensoir d'une paroisse en bas de Québec. 1689-1716. H. 1'5"1/4 MO : Inconnue (Cartierville, Hôpital du Sacré-Cœur, naguère Hôpital des Incurables, jusqu'au milieu du XXe siècle ; « une église d'en bas de Québec » d'après FGM). FGM 1-1906, Cartierville, Hôpital des Incurables, photo A-1 et 2 : « Communication du chanoine VALOIS, 1er octobre 1940 : "Cet ostensoir provient d'une église d'en bas de Québec; il a été acquis vers 1908 par Mme Lussier d'un marchand de vases sacrés, chez qui le curé de l' "église d'en bas de Québec" l'avait échangé pour un autre plus visible. À la mort de Mme Lussier, en 1922, ses exécuteurs testamentaires (le chanoine Valois et M. de Boucherville) n'ont pas voulu laisser cet ostensoir au Palais épiscopal et l'ont donné à l'Hôpital des Incurables. »

1689-1716.

Loir, Jean-Baptiste, France, Paris (Me 1689 †1716) [attribution]. Ostensoir. 1689-1716. Argent H. 1'5"1/2 Aucun poinçon d'orfèvre. MC : A. Beauport ? FGM 1-8647. Beauport, photo A-4, 17 octobre 1943.

L'ostensoir de 1634-1635 est l'une des six pièces d'orfèvrerie parisienne antérieures à 1640 conservées au Québec. Il participe des décors des ostensoirs hérissés de leurs « soleils » à longues figures d'anges porteurs de palmes. Mais aussi des calices à ciselure omniprésente surchargés d'anges mafflus bouclés et de frises végétales variées de feuilles d'eau ou d'acanthes. Ces objets sont l'expression parfaite du style Louis XIII, dont l'influence sera considérable sur l'orfèvrerie québécoise du siècle suivant, ce qui a confondu tous les historiographes qui croyaient y voir du style Louis XIV.

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

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1652 ou 56
1667-68

1671-72

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avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

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Pierre 2 Rousseau, Calice, 1637-1638.

Rousseau, Pierre 2, France, Paris (Me 1614). Calice. Hôpital général. Photo RD.

Rousseau, Pierre 2, France, Paris (Me 1614). Calice et détails ci-dessous. 1637-1638. Argent H totale 26,6 cm ; D pied 15,4 cm ; D coupe 9,7 cm. MO sur la lèvre de la coupe : fleur de lys couronnée, deux grains, un P et un R, lettre romaines, et une ruche au milieu desdites lettres. MC de Paris : R de 1637-1638. Québec ursulines.

François Ranvoyzé, Calice, Québec Ursulines. Photo RD..

Un autre calice non daté de Pierre Rousseau 2, à l'Hôpital général de Québec, pourrait être contemporain ou antérieur à celui des ursulines.

Tout comme l'ostensoir ci-dessus, le magnifique calice de Pierre Rousseau (détails ci-dessous), qui date de 1636-1637 (Bimbenet 1992, p. 588 et cat. nos 61, 62, 71), participe du style Louis XIII. Pierre Rousseau 2 tient boutique à Paris à partir du 8 juillet 1614, ayant déclaré son poinçon « P et R avec une ruche au milieu ».

Le calice de Pierre Rousseeau 2 a été copié pour les ursulines par François Ranvoyzé (Trudel 1968.06b, p. 63, fig.2 ; Thibault 1977, p. 60, nos 52-53).

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

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1652 ou 56
1667-68

1671-72

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avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

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XVIIe

● Nicolas Loir, Plat à burettes, 1652 ou 1656. ● Anonyme, Burettes, 1667-1668.

1652 ou 1656 / 1667-1668

1630-1631, 1891-1903.

1637-1638, 1689-1716.

● Loir, Nicolas, France, Paris (Me 1616-1653-). Plat à burettes. 1652 ou 1656. Argent MO : fleur de lys couronnée, deux grains, un N et un L, lettre romaines, et une rose au milieu desdites lettres. MC de Paris à moitié effacé : H de 1652 ou plus vraisemblablement M de 1656. Québec ursulines. Photo RD. ● Anonyme, France, Paris. Burettes. 1667-1668. Argent MO : illisible. MC de Paris : Y de 1667-1668. Québec ursulines. Photo RD.

Loir, Nicolas, France, Paris (Me 1616-1653-). Poussielgue-Rusand Fils, France, Paris (poinçon insculpé en 1891, biffé en 1903) [lunule]. Ostensoir. 1630-1631, 1891-1903. Sous le pied. K de 1630. Sur la lunule. MO : un cœur, une épée, une ancre, PRF, une étoile. Autre poinçon illisible. Sainte-Anne-de-Beaupré. Objet réparé en France, 1891-1903, alors qu'il y avait plein d'orfèvres au Québec qui pouvaient le faire ! « Cette œuvre d’art du dix-septième siècle, ayant été, il y a quelques années, expédiée à Paris, pour y être réparée, y attira grandement l’attention des connaisseurs (FGM, 7639, Ste-Anne-de-Beaupré, réf. à Guide du pèlerin, 1941, p. 39). »

Loir, Nicolas, France, Paris (Me 1616-1653-). Loir, Jean-Baptiste, France, Paris (Me 1689 †1716). Ciboire. 1637-1638, 1689-1716. Argent MO : fleur de lys couronnée, deux grans, un N et un L, lettre romaines, et une rose au milieu desdites lettres ; une fleur de lys couronnée, deux grans, IBL. MC : R de 1637-1638. Québec Église Notre-Dame.

Le plat à burettes (1652 ou 1656), simplement orné de perlons au pourtour du marli, est l'oeuvre de Nicolas Loir (Nocq 1926-1931, t. 3, p. 146 ; Bimbenet 1992, p. 540), aïeul d'une importante dynastie d'artistes parisiens dont six fils furent orfèvres. Les burettes (1666-1667), abondamment repoussées et ciselés, ne forment pas un ensemble avec ce plat car elles sont d'un autre orfèvre moins doué dont le poinçon demeure illisible. Nicolas semble être à la tête d'un gros atelier dont l'activité débute en 1616. En 1653 il est élu garde et on ne connaît pas la date de sa mort. Le plat à burettes des ursulines de Québec a donc été fait à la toute fin de sa vie, puisqu'il date de 1652 ou 1656. Le Québec conserve plusieurs pièces de la dynastie des Loir : Alexis (1640-1713), Pierre (1628-1700, maître 1651), Jean-Baptiste (maître 1689, décès 1716) et Guillaume (maître 1716) (Bimbenet 1992, nos 72 et 76 ; Trudel 1974a, p. 102-110). Nicolas Loir a également réalisé deux des plus anciennes oeuvres de la Nouvelle-France : l'ostensoir de Sainte-Anne-de-Beaupré (1630-1631) et le ciboire de l'église Notre-Dame de Québec (1637-1638).
Les oeuvres de Nicolas Loir conservées en France le montrent déjà spécialiste du répertoire religieux. On sait qu'il a réalisé des oeuvres plus monumentales, par exemple un plan de la ville de Bourges en argent (1629) malheureusement détruit. L'ostensoir des Épesses (1628) (pdf) et le calice de Gragnague (1632) (pdf) sont de bons exemples du style Louis XIII en orfèvrerie (Bimbenet 1992, ill. p. 368-369, 376-377, poinçon et biographie p. 540).

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

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1637-38

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XVIIe

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● R, Goûte-vin, 1671-1672. ● IL, Goûte-vin, avant 1680.

Anonyme, R, France, Paris. Goûte-vin. 1671-1672. Argent L 8,8 cm. MO parisien, première lettre illisible, lettre R à droite. C de Paris : C de 1671-1672. Québec ursulines.

Anonyme, IL, France, Paris. Goûte-vin. 1680 (avant). Argent, matière très épaisse. H 3,2 cm ; L 13 cm ; D 9,5 cm. MO : I, un oiseau, L (avant le 31 décembre 1679). FAVVEL ; AT ou TA. Québec ursulines. Photo Robert Derome.

Les deux goûte-vin peuvent être datés : l'un de 1671-1672, l'autre avant le 31 décembre 1679) ; mais on ne peut identifier les poinçons trop abîmés des maîtres orfèvres.

De matière généreuse et simplement ornés, ils participent des fonctions civiles de ce genre d'objet domestique fort répandu, utilisé par les négociants de vin, les cabaretiers, les aubergistes et les particuliers.

Nous avons récemment bien mis en valeur l'appellation et l'utilisation fonctionnelle du goûte-vin d'après les sources d'archives, de récentes publications sur l'orfèvrerie ou sur le commerce des boissons en Nouvelle-France (Derome 1996a, p. 18-20).

 

MdL'I en France
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Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

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Navette, 1680-1709.

Pierre 2 Loir (1628-1700) ou Pierre 2 Lévesque (1642-1709), France, Paris. Navette. 1680-1709 (vers). Argent MO : « une croix entre P et L » (après le 31 décembre 1679). MC rendu illisible par une fente dans le métal sur le bout de la navette près de la bordure sur lequel repose le bouton du couvercle. Québec ursulines. Photo RD.

La navette (1680-1709) est légèrement postérieure au décès de Marie de l'Incarnation. Le travail du ciselé et du repoussé y sont remarquables.

À compter de la réforme de 1680, deux orfèvres parisiens partagent la même description de poinçon avec les initiales PL et une croix : Pierre 2 Loir (1628-1700), maître en 1651, et Pierre 2 Lévesque (1642-1709), maître en 1661. Deux autres objets portent le même : un ciboire chez les hospitalières de Saint-Joseph à Montréal et un calice à l'église Sainte-Famille de l'Île d'Orléans reproduit ci-dessous. Michèle Bimbenet-Privat s'est dite étonnée (collaboration août 2024) que ces objets et leur poinçon de maître aient été publiés sous Lévesque (Bimbenet-Privat 2002, t. 1, p. 418-419 et 425), car les probabilités jouent en faveur de Loir, membre d'une grande dynastie de plusieurs orfèvres qui approvisionnèrent la Nouvelle-France en orfèvrerie, surtout religieuse, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Poinçon de la navette ci-dessus.

Un calice de l'église Sainte-Famille, Île d'Orléans, a été attribué par Gérard Morisset à Paul Lambert dit Saint-Paul avec la mention « imité des calices français » malgré son style caractéristique fort différent. Son poinçon, aux mêmes initiales mais différent, est accompagné de celui de maison commune de Paris permettant de dater l'objet de 1682-1683.

« [Paul Lambert dit Saint-Paul.] Calice en argent, imité des calices français. Église de la Sainte-Famille, île d'Orléans [Morisset 1945d, planche X]. »

Pierre 2 Loir (1628-1700) ou Pierre 2 Lévesque (1642-1709), France, Paris. Calice. 1682-1683. Argent. MO : PL et une croix. MC : N de 1682-1683. Autour du pas de vis du pied : une croix et cinq lettres ou chiffres. Sainte-Famille Ile d'Orléans. Photos RD.

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

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Antoine-Sébastien Leblond et André Balmont. Écuelle et couvercle, 1701-1705.

Leblond, Antoine-Sébastien, France, Paris (Me 1675), et André Balmont. Écuelle et couvercle. Écuelle : 1701-1702. MO : SLB. C : 1697-1704. D petite poule du XVIIIe siècle. MC : H de 1701-1702. Couvercle : 1704-1705. MO : AB. C : 1704-1713. MC : L de 1704-1705. Québec ursulines. Photo RD.

L'écuelle de Sébastien Leblond date de 1701-1702, alors que le couvercle de 1704-1705 porte également le poinçon d'André Balmont. On peut donc logiquement déduire que les deux orfèvres travaillaient ensemble, voire en association pour certaines commandes. Cette écuelle se compare à une pièce très voisine du même orfèvre datée de 1697, en argent blanc, dont les oreilles fondues s'ornent d'un décor de palmettes et dont le couvercle à anneau mobile (un des premiers observés sur les écuelles parisiennes) porte un motif appliqué de canaux et de dards rayonnants (France, collection privée : argent, D. 17,2 cm, poinçons de jurande « C » de 1696-1697 au couvercle, décharge de 1697-1698 sur l'écuelle). Actif de 1675 à 1715 au moins, Leblond est l'un des rares artistes parisiens dont la production conservée, essentiellement de la vaisselle de table, s'élève à plus de dix pièces en France : écuelles de modèles divers, dont la plus connue est celle dite « du Grand Dauphin [Musée du Louvre, Département des Objets d'art, inv. 0A 7757] », boîtes à épices, chocolatières, jattes.

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

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XVIIe

Anonyme, Ciboire, XVIIe siècle.

Québec Ursulines.

Anonyme, France.Ciboire. 1600-1699. Argent et or, matière très épaisse. H. 28,6 cm. Aucun poinçon. Québec Ursulines.

L'Ange-Gardien.

Anonyme, France, Paris. Ciboire de L'Ange-Gardien. 1600-1699. Argent H. 25,7 cm. Poids 640,7 gr. Aucun poinçon. L'Ange-Gardien. Detroit Institute of Arts. 69.13. Fox 1978 p. 20-22. Derome 2005, p. 152-153.

Longueuil.

Anonyme, France, Ciboire de Longueuil, XVIIe siècle, photo Marius Barbeau 1936, Musée canadien de l'histoire 81044.

Le magnifique ciboire, généreusement ouvragé d'un exceptionnel et rarissime décor de guirlandes, participe des styles provinciaux français du XVIIe siècle ; des modèles semblables se trouvaient naguère dans les paroisses de l'Ange-Gardien (aujourd'hui au Detroit Institute of Arts) et de Longueuil (Traquair 1940, p. 120, no 17 ; Fox 1973, p. 97 ; Fox 1978, p. 20-22 ; Noppen 1984, p. 120-121).

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

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1652 ou 56
1667-68

1671-72

1
6
7
2

avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

XVIIe

XVIIe

XVIIe

Anonyme, Croix d'autel, XVIIe, XVIIIe, XIXe et/ou XXe siècles.

Marie-Madeleine de Chauvigny de Gruel de La Peltrie (1603-1671), 1882-1884, Gravures dans l'Histoire des Canadiens-Français de Benjamin Sulte.

Anonyme, France. Croix d'autel (recto et verso). XVIIe siècle [base], XVIIIe siècle [noeud], XIXe ou XXe siècle [croix]. Base en argent très redorée. Noeud en bronze ? Croix en cuivre doré. H 23". Aucun poinçon. Québec ursulines.

D'après la tradition orale, la croix d'autel proviendrait de l'argenterie fondue de Madame de La Peltrie (Marie-Madeleine Chauvigny Gruel de La Peltrie 1603-1671). Elle a connu un bien triste sort : si la base ouvragée en argent date bien du XVIIe siècle, elle a cependant été très lourdement redorée aux XIXe ou XXe siècles, on a refait un noeud en alliage au XVIIIe siècle et fabriqué le crucifix en cuivre doré au XIXe ou au XXe siècle. Marius Barbeau attribuait cet objet à l'orfèvre François Ranvoyzé (Barbeau 1937, p. 68 ; Barbeau 1937/04/03 ; Barbeau 1941/02b).

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

1
6
3
9

1652 ou 56
1667-68

1671-72

1
6
7
2

avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

XVIIe

XVIIe

XVIIe

Anonyme, Encensoir, XVIIe siècle, réparé par François Ranvoyzé et Laurent Amiot.

Anonyme, France, XVIIe siècle, modifié en 1812 par François Ranvoyzé et en 1835 par Laurent Amiot. Encensoir. XVIIe siècle [panse], 1812 [cheminée], 1835 [pied]. Argent. Aucun poinçon. Québec ursulines. Photo RD.

Ignace-François Delezenne, Encensoir, Hôpital-général de Québec. Photo RD.

Laurent Amiot, Encensoir, 1821, Saint-Michel-de-Bellechasse, Photo RD.

L'encensoir Anonyme du XVIIe siècle a été profondément modifié. En mars 1812, Ranvoyzé est payé 12# pour avoir raccommodé l'encensoir et la navette, alors qu'en octobre 1835 Amiot répare un encensoir (Thibault 1973, p. 107-108 ; Derome 1974a, Derome 1974b, Derome 1976/06, Derome 1980b). Du XVIIe siècle, il ne reste plus que la panse de la cassolette avec son décor stéréotypé de feuillages et de têtes d'anges qui n'a rien à voir avec la qualité de la navette avec laquelle il ne forme pas un ensemble ! La cheminée, qui imite l'oeuvre d'Ignace-François Delezenne, pourrait bien avoir été refaite par son émule François Ranvoyzé (Derome 1976.06). Le pied a pu être refait par Laurent Amiot.

 

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

1
6
3
9

1652 ou 56
1667-68

1671-72

1
6
7
2

avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

XVIIe

XVIIe

XVIIe

Anonyme, Ciboire, XVIIe siècle.

Outre les pièces d'orfèvrerie parisienne dorénavant datées et identifiées, mentionnons également un ciboire provincial qui n'a pas encore révélé tous ses secrets, mais dont le style de la coupe, la décoration de la tige et de la base, permettent de le dater également du XVIIe siècle.

Anonyme ID, France, Province, Ciboire, XVIIe siècle, 29,7 cm, MO ID, MC P couronné, Québec Ursulines (Traquair 1940, p. 118 n° 2). Réparation sous le noeud central. Photos RD.

L'examen chez les ursulines de ces trésors du XVIIe siècle qui ont échappés aux fontes, mais dont deux furent lourdement remodelés, jette un nouvel éclairage sur la richesse des collections québécoises d'orfèvrerie ancienne tout en permettant de modifier les idées reçues sur l'ancienneté de nos collections et les sources stylistiques bien antérieures à celles de Louis XIV, soit celles du Louis XIII. Les dévotions de Marie de l'Incarnation et de Mme de la Peltrie prennent ainsi images et figures nouvelles par cette analyse inédite qui permet de renouveler l'historiographie tout en jetant un coup d'oeil insoupçonné sur les périodes primitives de la Nouvelle-France où quelques centaines de colons se partageaient un vaste territoire en l'habitant par la richesse des arts et des traditions françaises.

 

Marie de l'Incarnation et l'orfèvrerie des ursulines au XVIIe siècle.

MdL'I en France
MdL'I en Nouvelle-France
Après le décès de MdL'I
Oeuvres non datées

1599-1672

1634-35

1637-38

1
6
3
9

1652 ou 56
1667-68

1671-72

1
6
7
2

avant 1680

1680-1709


1701-05

XVIIe

XVIIe

XVIIe

XVIIe

web Robert DEROME