L'iconographie de saint Louis
chez de Heer
et Aide-Créquy
web Robert DEROME

L'iconographie de saint Louis

La fleur de lys est devenue le symbole de la royauté française sous Louis VII au XIIe siècle. L'apparence de saint Louis lors de son sacre était plus simple que ne laissent supposer les représentations conçues après son décès, dès la fin du XIIIe siècle, où on le drape du manteau fleurdelisé qui évolue lentement du XIVe au XVIe siècle. Chez de Heer et Aide-Créquy, ils s'apparentent davantage à ceux des rois de France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Pour cette époque, l'iconographie de saint Louis est moins connue que sa plus abondante contrepartie du XIXe siècle (Le Pogam 2014).

 


Saint Louis Manteau fleurdelisé Couronne d'épines Croix

Saint Louis et ses représentations (XIIIe-XVIe siècles)

Ordo pour la consécration et le couronnement du roi, Paris, 1250-1260,
Parchemin 145 fol., 22 x 15 cm, Paris, BNF, Manuscrits, Latin 1246, fol. 17r.

« Il n'existe aucun récit du sacre [Le Pogam 2014 p. 62] » de Louis IX (1214-1270), dit saint Louis, qui s'est fait en 1226 dans la précipitation. Selon une reconstitution du cérémonial, à partir des ordos de cette époque, le roi aurait revêtu un « manteau comparable à une chape sans capuchon, en soie de couleur hyacinthe semée de lys d'or [Le Pogam 2014 p. 62] », soit de couleur jaune rougeâtre, par extension littéraire de celle de la pierre fine brun orangé ou rougeâtre (source).

Un sacre générique, montré dans l'enluminure ci-dessus datant de la fin du règne de saint Louis (1226-1270), présente un vêtement sobre de couleur hyacinthe, mais sans fleurs de lys. C'est ainsi que saint Louis était représenté dans une autre enluminure, illustrée à droite, qui

« a cependant été repeinte par un artiste à la fin du XVe siècle à la demande de Louis de Laval-Châtillon, qui a fait ajouter ses armes dans les marges. On peut encore déceler, derrière le somptueux manteau fleurdelisé de saint Louis, l'ancien habit brun du tiers ordre franciscain dont le roi était revêtu dans l'enluminure initiale [Le Pogam 2014 Cat. 33 (ill. 33, p. 57)]. »

« Il semble que Louis VII (1120-1180 roi des Francs 1137-1180) ait joué un rôle déterminant dans l'adoption de la fleur de lys comme symbole spécifique de la royauté française. De fait, l'héraldique apparaît sous son règne et, à partir de Louis VII, le décor royal et étatique est criblé de fleurs de lys [source]. »

Les fleurs de lys étaient déjà présentes sur le manteau de saint Louis peu de temps après son décès, soit dès la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe.

Vincent de Beauvais (vers 1190-1264) trad. par Jean de Vignay (vers 1280-vers 1340), Miroir historial, livres I-VIII, Paris, 1333, Parchemin, 414 fol., 38,5 x 28 cm, Paris, BNF, Manuscrits, Français 316, ici fol. 1 r°. Le Pogam 2014 Cat. 33 (ill. 33, p. 57).

Saint Louis, vers 1296-1306, Vitrail, Église Saint-Pierre, Chartres. Source.

Registre des ordonnances de l'Hôtel du roi et des administrations centrales du royaume, vers 1316-1321, Parchemin, 32,5 x 24 x 3 cm, Paris, Archives nationales, JJ 57, fol. 20 r° (musée des Archives nationales AE II 327). Le Pogam 2014 Cat. 27 (ill. 35, p. 60).

Saint Louis, Normandie, début du XIVe siècle, pierre et traces de polychromie, 157 x 44,3 x 30 cm, Mainneville église Saint-Pierre-Saint-Paul. Le Pogam 2014 Cat. 32 (ill. 27, p. 50-51).

Enseignements de saint Louis, Paris, 1330-1340, parchemin 145 fol., 26,5 x 20 cm, Paris, BNF, Manuscrits, Français 1136, ici fol. 82. Le Pogam 2014 Cat. 35.

« Iconographie de saint Louis. — On suppose, une fois de plus, que la figuration d'un roi nimbé, portant un livre dans la main droite et un sceptre fleurdelisé dans la main gauche, serait saint Louis. Il est vêtu d'un manteau doublé de vair s'ouvrant sur une robe décorée de losanges enfermant des fleurs de lys jaunes. Cette image, peu connue et de haute date, orne le vitrail de la fenêtre d'axe de l'église de l'ancienne abbaye Saint-Père de Chartres. Il fait partie de l'ensemble des vitraux de l'abside représentant des saints debout et datant de l'extrême fin du XIIIe siècle, mais Mlle Meredith Parsons Lillich préfère le dater de 1305-1306, date mentionnée sur un vitrail de la nef figurant saint Pierre. Elle cite plusieurs textes de Philippe le Hardi et de Philippe le Bel relatifs à l'abbaye et pense que ces vitraux auraient été exécutés à la suite d'un don de Philippe IV en 1296. L'image de saint Louis serait alors une des plus anciennes représentations encore existantes du roi après sa canonisation. En 1906 et 1908, des restaurations ont altéré le visage et une partie de la chevelure du roi. L'auteur, se référant à une gravure de Montfaucon et aux photographies prises avant la restauration, dit que l'image était barbue et ajoute que, pendant la dernière partie de sa vie, "comme c'est bien connu", Louis IX portait la barbe ; sur ce dernier point, il semble qu'elle s'avance un peu trop, puisque cette affirmation ne s'appuie sur aucun texte. L'auteur mentionne alors diverses représentations du roi portant la barbe [...] Mlle Parsons Lillich ajoute que la plupart des statues hagiographiques étaient imberbes [...] Elle imagine que la représentation du roi sur son tombeau fut une source d'inspiration ; on peut en voir une figuration au folio 102 v° des Heures de Jeanne d'Évreux : le roi était couronné, nimbé, vêtu d'un manteau de vair et fleurdelisé, et imberbe. [...] Il me semble que l'auteur a insuffisamment examiné la photographie du vitrail avant la restauration, car une étude attentive d'un agrandissement permet de voir que le roi était imberbe. [...] Il paraît cependant certain qu'à la fin du XIIIe siècle, et même pendant la première moitié du XIVe siècle, les artistes n'avaient aucun souci de rendre les traits réels de leur modèle ; ils le représentaient selon le type de l'époque, type idéalisé. Si le vitrail de Saint-Père veut figurer saint Louis, ce n'est pas plus un portrait du roi que le vitrail voisin n'est un portrait de saint Gilduin. Une fois de plus, on sent la nécessité d'une étude objective de l'histoire du portrait à laquelle il faudrait rattacher les figurations de saint Louis [Lefébure 1970]. »

Louis IX recevant les Saintes Reliques (source), Chroniques de Saint-Denis (source), 1332-1350, BL, Royal 16 G VI, f395.

Le départ de Saint Louis pour la croisade, Chroniques de Saint-Denis, 1332-1350, BL (source).

Entrevue de Saint Louis et du pape Innocent IV (source), Grandes Chroniques de France de Charles V (source), 1370-1379, BNF, Fr.2813.

Jean Bourdichon (actif à Tours 1480-1521), Louis XII à genou et en prières accompagné de saint Michel, Charlemagne, saint Louis et saint Denis, extrait du Livre d'heures de Louis XII, 1498-1499, Tempera et or sur parchemin, 24,3 x 15,7 cm, sur le cadre doré « LOYS XIIe DE CE NOM », et sous ce cadre « IL LEST FAIT EN LEAGE DE XXXVI ANS », Getty Center, Los Angeles, Ms. 79A.

LE ROY SAINCT LOIS (détail), 1560-1570, miniature, Du Tillet 1545-1566 f° 99v.

Louis-Chrétien de Heer (1760-1808), Saint Louis rendant grâce pour la couronne d'épines et les clous de la crucifixion au nom du seigneur Chartier de Lotbinière et de la seigneuresse Godefroy de Tonnancour (détail), 1792, huile sur toile, 289 x 208,5 cm, Église Saint-Michel de Vaudreuil.

Les fleurs de lys figurent sur le manteau de saint Louis, convention maintenant bien établie trois siècles plus tard, dans la miniature par Jean du Tillet peinte au milieu du XVIe siècle, mais seulement sur la large bordure, alors qu'elles sont distribuées sur tout le manteau peint de Heer. L'hermine est également traitée de façon très différente : discrètement, en doublure seulement, chez du Tillet ; de façon beaucoup plus ostentatoire chez de Heer, couvrant tout le buste ainsi qu'une large bordure du manteau.

 


Saint Louis Manteau fleurdelisé Couronne d'épines Croix

Manteau fleurdelisé des rois de France (XIIIe-XVIIIe siècles)

La représentation des souverains, en manteau de sacre fleurdelisé bordé d'hermine, est devenue une convention à partir de saint Louis. Tous les rois sont ainsi représentés, même si ces portraits ont été peints bien après le sacre. La galerie ci-dessous les présente par ordre chronologique de leur règne avec des oeuvres picturales le plus près possible de ces dates historiques. Les caractéristiques des Insignes et vêtements royaux (Pinoteau 2005) ne sont pas toujours représentés adéquatement et ne correspondent pas toujours à ceux utilisés lors des sacres à Reims. Il n'est donc pas étonnant que ces conventions aient été appliquées rétroactivement aux souverains antérieurs, tel saint Louis, dans ses représentations à compter du XVIIe siècle alors entachées de fortes connotations anachroniques s'accentuant au fil des couches successives d'ajouts iconographiques culminant au XIXe siècle, époque postérieure à celles étudiées ici.

1270-1285 Philippe III — Sacre, Grandes Chroniques de France, XIVe–XVe siècle.

1285-1314 Philippe IV — Mise à mort des Templiers sur le bûcher, Bruges 1479-1480, British Library, Royal 14 E V f492v).

1314-1316 Louis X — Tillet 1545-1566 f120r.

1316-1316 Jean I — Tillet 1545-1566 f125v.

1316-1322 Philippe V — Sacre, XIVe siècle, Bibliothèque de Toulouse. Son manteau arbore deux couleurs car il était aussi roi de Navarre sous le nom de Philippe II.

Bien que Philippe IV, qui a régné à la fin du XIIIe siècle, soit représenté avec une pièce de tissu blanc sur les épaules, ce vêtement relève des conventions datant de deux siècles plus tard, date de l'ouvrage d'où est tiré cette enluminure ! C'est en effet aux XVe et XVIe siècles que les représentations de ce vêtement se répandent dans les illustrations ici glanées. Ce cas de figure s'applique également à Louis X et Jean I : ce sont des fictions datant de deux siècles après leur règnes, d'autant plus que Jean I est décédé 4 jours après sa naissance !

Gisant du roi Jean Ier le Posthume, à la basilique de Saint-Denis (source).

1328-1350 Philippe VI — Le procès de Robert d'Artois, XIVe siècle, BNF Manuscrit français 18437 f2.

1350-1364 Jean II — Sacre, Grandes Chroniques de France, 1370-1379, BNF Fr.2 813.

1322-1328 Charles IV — Annulation du mariage de Charles IV le Bel et de Blanche d'Artois dite de Bourgogne, XIVe siècle.

1380-1422 Charles VI — Jean Fouquet, Couronnement, Grandes Chroniques de France, 1455-1460, BNF Manuscrits Français 6465 f457v.

1364-1380 Charles V — « Scène typologique représentant de manière intemporelle l'acclamation du roi par ses pairs après son sacre », 1375-1380, Grandes Chroniques de France, BNF F1-492 f14.

C'est véritablement à compter des XIVe et XVe siècle, avec Charles IV, VI et VII, que le manteau conventionnel bordé d'hermine avec une portion blanche recouvrant d'abord le cou puis les épaules, fait son apparition dans l'iconographie des rois de France. Ce procédé a pu être appliqué, à partir de cette époque, à la représentation des rois antérieurs. Cette convention sera désormais bien établie au XVIe siècle.

1422-1461 Charles VII — Sacre, Martial d'Auvergne, Les Vigiles de la mort de Charles VII, 1484, BNF Ms. Français 5054, f63v.

1461-1483 Louis XI — Jean Fouquet, Frontispice, Statuts de l'ordre de Saint-Michel, 1469-1470, BNF Français 19819 f1r.

1483-1498 Charles VIII — François Roger de Gaignières, Tombeau de Charles VIII en la basilique Saint-Denis, XVIIe siècle, Recueils de Gaignières, tombeaux, v2 f48.

1498-1515 Louis XII — Jean Bourdichon (actif à Tours 1480-1521), Louis XII à genou et en prières accompagné de saint Michel, Charlemagne, saint Louis et saint Denis, extrait du Livre d'heures de Louis XII, 1498-1499, Getty Center, Los Angeles, Ms. 79A.

1515-1547 François I — Tillet 1545-1566 f150r.

François Ier est représenté en habit de sacre, à la fois jeune et âgé, dans le même ouvrage (Tillet 1545-1566).

1515-1547 François I — Tillet 1545-1566, f150v.

1547-1559 Henri II — Livre d'heures de Catherine de Médicis, 1572-1575, Louvre.

1559-1560 François II — Avec Mary Stuart. Livre d'heures de Catherine de Médicis, 1572-1575, Louvre.

1560-1574 Charles IX — Avec Élisabeth d'Ausbourg. Livre d'heures de Catherine de Médicis, 1572-1575, Louvre.

1574-1589 Henri III — Livre d'heures de Catherine de Médicis, 1572-1575, Louvre.

Les portraits de François II, Charles IX et Henri III, qui partagent les mêmes conventions et styles, proviennent du même ouvrage, le Livre d'heures de Catherine de Médicis.

1610-1643 Louis XIII — par Philippe de Champaigne, 1622-1639, Royal Collection Trust, RCIN 404108.

1643-1715 Louis XIV — par Hyacinthe Rigaud, 1701. Wikipedia.

1715-1774 Louis XV — par Louis-Michel Van Loo, 1763. Wikipedia.

1774-1792 Louis XVI — par Antoine-François Callet, 1789, Château de Versailles. Source.

1589-1610 Henri IV — Attribué à François Quesnel l'Ancien (1543-1619), Henri IV et le cardinal Alexandre de Médicis, 1589-1619, Musée national du château de Pau, BP53-2-49, MV4119.

Les poses et vêtements sont similaires dans les portraits des rois français, de la fin du XVIe siècle à la fin du XVIIIe, qui ont inspiré la composition d'Aide-Créquy et le manteau fleurdelisé peint par de Heer.

Jean-Antoine Aide-Créquy (1749-1780), Saint Louis tenant la couronne d'épines (détail), signé et daté 1777, huile sur toile, 158 x 188 cm, Église Saint-Louis Isle-aux-Coudres. Photo collaboration de Jean Lacasse 15 juin 2018.

Louis-Chrétien de Heer (1760-1808), Saint Louis rendant grâce pour la couronne d'épines et les clous de la crucifixion au nom du seigneur Chartier de Lotbinière et de la seigneuresse Godefroy de Tonnancour (détail), 1792, huile sur toile, 289 x 208,5 cm, Église Saint-Michel de Vaudreuil.

 


Saint Louis Manteau fleurdelisé Couronne d'épines Croix

Couronne d'épines et attributs royaux (XVIIe-XVIIIe siècles)

Malgré des références topographiques d'importance au roi saint Louis en Nouvelle-France (Château Saint-Louis, Fort du Sault-Saint-Louis à Kahnawake), la présence de son iconographie y est peu documentée (Barbeau 1957b, QMQ 1984c, Laroche-Joly 1990, Clair 2008, Lacroix 2012). Pourtant, les jésuites en faisaient une large promotion en France au XVIIe siècle ! Par exemple, l'église Saint-Paul-Saint-Louis construite entre 1627 et 1641 avec l'aide financière de Louis XIII (source).

« Protégés et soutenus par la monarchie française à partir de leur retour en 1603, et néanmoins toujours critiqués, notamment par les plus fervents gallicans, les Jésuites rendent hommage tout au long du XVIIe siècle au Roi très chrétien à travers le culte de saint Louis, figure miroir du roi Bourbon régnant et nouveau patron du Royaume. Le culte et l’iconographie louent le roi protecteur, tout en rendant publique et commémorant la faveur royale face à des détracteurs virulents. Ils prouvent ainsi leur fidélité au roi régnant et, plus généralement, à la Monarchie française, en même temps qu’ils témoignent de leur dévouement au bien du Royaume, et justifient dès lors leur intégration au sein de la France. L’iconographie de saint Louis dessine alors un portrait très élogieux du Roi très chrétien, à la fois modèle et premier des fidèles, dont la mission est de mener son Royaume sur le chemin du Salut [Lavieille 2012]. »

« Ce n'est pas à des fins cultuelles mais à des fins de catéchèse que l'agencement plastique de Pierre Millet, missionnaire à la mission iroquoise d'Onnontagué dans les années 1670, est créé: [...] "Pour frapper leur imagination par quelque espece d'appareil, j'attachay un beau grand collier de pourcelaine au milieu de la Cabane, & je l'accompagnay d'un costé d'une carte du Monde, & de l'autre de l'Image de Saint Louis Roy de France ; je placay dans un autre endroit les portraits du Roy & de Monsieur le Dauphin. Au dessous du collier de pourcelaine j'avois mis la Bible sur un pulpitre couvert d'une belle étoffe rouge, au dessus duquel on voyoit l'Image de Nostre Seigneur, qui avoit à ses pieds tous les symboles des superstitions & des désordres dans ces païs ; comme pour marquer qu'ils les avoient vaincus (RJ 53, p. 268)" [Clair 2008 p. 434]. »

Gérard Edelinck (1649-1707) graveur, d'après le peintre Charles Le Brun (1619-1690), Saint Louis vénérant la couronne d'épines, XVIIe siècle, Eau-forte et burin sur papier vergé, feuille 56,2 x 41,2 cm, en bas à gauche « Graué par Edelinck d'après un tableau Original fait par Monsieur le Brun qui est dans la Chapelle de Monsieur Pelletier Ministre d'Estat à Ville neuue le Roy. », en bas à droite « Avec Priuilege du Roy », lettre « Qu'Il S'élevoit ! en S'abaissant ainsy / Dedié et Presenté au ROY / Par son tres humble tres obeissant et tres fidelle Seruiteur et Sujet G. Edelinck. Chevalier Romain », Châlons-en-Champagne, Musée des beaux-arts et d'archéologie 882.6.1.

Antoine Plamondon, Saint Louis adorant la couronne d'épines, 1872, huile sur toile, Notre-Dame-de-Bonsecours de L'Islet. Photo RPCQ Émilie Deschênes 2014 (web ou pdf).

Soeur Marie-de-Saint-Amédée, d'après la gravure d'Edelinck d'après Le Brun, Saint Louis adorant la couronne d'épines, 1916, huile sur toile, 83 x 60 cm, signé centre gauche « Sr. St.-Amédée », Québec, Chapelle des Soeurs-du-Bon-Pasteur. Photo RPCQ Andréane Beloin 2014 (web ou pdf).

La gravure d'Edelinck d'après Le Brun a, beaucoup plus tard, été réutilisée par Plamondon en 1872 et Soeur Saint-Amédée en 1916 (voir Rafraîchi chez des soeurs du Bon-Pasteur).

Anonyme, Saint Louis, date inconnue, Église Saint-Louis-de-Lotbinière. Photo Jean-Jacques Danel, via la collaboration de Paul-André Dubois, perspective corrigée par Robert Derome.

Jean-Antoine Aide-Créquy (1749-1780), Saint Louis tenant la couronne d'épines (détail), signé et daté 1777, huile sur toile, 158 x 188 cm, Église Saint-Louis Isle-aux-Coudres. Photo collaboration de Jean Lacasse 15 juin 2018.

Nicolas Bazin (1633-1710), d'après Antoine Dieu (1662-1727), Saint Louis tenant la couronne d'épines, fin XVIIe - début XVIIIe, Eau-forte et burin sur papier vergé, 25,7 x 19,6 cm (cuvette), en bas à gauche « Peint par Ant. Dieu », en bas à droite « Gravé par Nic. / Bazin C.P. Régis », lettre « Saint Louis Roy de France / Ce Pieux Prince avoit une particulière dévotion aux Reliques des Saints et les honoroit tant qu'il / fit bâtir la Ste Chapelle de Paris ou il mit la Couronne d'Epines de N. Seigneur, une partie de / la vraye Croix et le fer de la lance dont le côté du Sauveur fut percé avec plusieurs autres Reliq.s », en bas « A Paris chez Bassel rue S. jacques N°64 », Châlons-en-Champagne, Musée des beaux-arts et d'archéologie 958.4.53.

Une gravure de Nicolas Bazin, publiée fin XVIIe début XVIIIe siècle, présente trois éléments repris dans les Saint Louis de Lotbinière et d'Aide-Créquy : la station debout, le manteau anachronique de fleurs de lys et d'hermine des rois ultérieurs, la couronne d'épines et les trois clous de la passion tenus avec une pièce de tissu.

Détail de la gravure de Nicolas Bazin
reproduite ci-dessus à gauche.

Collier de l'ordre de Saint-Michel avec double cordelière. Source.

Collier de l'ordre de Saint-Michel vers 1660. Source.

La gravure de Bazin présente un médaillon, difficile à lire, suspendu à un collier. Il s'agit de l'ordre de saint Michel créé en 1469 par Louis XI, soit deux siècles après saint Louis et donc anachronique. Le médaillon de l'archange terrassant le dragon est suspendu à une double cordelière reliant des coquilles. De Heer peint également un collier, mais son médaillon porte une croix de Malte (voir Croix de Malte, du Saint-Esprit, et de Saint-Louis).

Un tableau Anonyme du XVIIIe siècle, à Châlons, ajoute à cette iconographie une croix en argent (peut-être reliquaire ?) suspendue au cou et deux autres éléments présents à Lotbinière : le sceptre et la couronne royale rayonnante portée sur la tête.

Anonyme France, Saint Louis, XVIIIe siècle, huile sur toile, 46 x 35,3 cm, Ancienne collection Charles Picot collectionneur (1789-1861), Châlons-en-Champagne, Musée des beaux-arts et d'Archéologie 861.1.136.

Anonyme, Saint Louis (détail), date inconnue, Église Saint-Louis-de-Lotbinière. Photo Jean-Jacques Danel, via la collaboration de Paul-André Dubois, perspective corrigée par Robert Derome.

Jean-Antoine Aide-Créquy (1749-1780), Saint Louis tenant la couronne d'épines (détail), signé et daté 1777, huile sur toile, 158 x 188 cm, Église Saint-Louis Isle-aux-Coudres. Photo collaboration de Jean Lacasse 15 juin 2018.

Hyacinthe Rigaud, Louis XV, roi de France et de Navarre (1710-1774) (détail), 1715, huile sur toile, 189 x 135 cm, « fait par Hyacinthe Rigaud en septembre 1715 », Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon MV 3695, INV 7500, AC 2410. Photo : sources.

Aide-Créquy retient également la couronne royale posée sur la tête, mais sans le rayonnement doré de sainteté provenant de l'iconographie religieuse. Sa source est plutôt politique, soit la couronne placée sur un meuble dans les portraits des rois français aux XVIIe et XVIIIe siècles qui lui servent de modèles. Il se situe donc à mi-chemin entre ces sources religieuses et politiques.

Contrairement à la couronne dite « fermée » d'Aide-Créquy, de Heer peint une couronne dite « ouverte », posée au sol à côté du sceptre (à propos des couronnes et du sceptre voir ces extraits tirés de Pinoteau 2005).

Louis-Chrétien de Heer (1760-1808), Saint Louis rendant grâce pour la couronne d'épines et les clous de la crucifixion au nom du seigneur Chartier de Lotbinière et de la seigneuresse Godefroy de Tonnancour (détail), 1792, huile sur toile, 289 x 208,5 cm, Église Saint-Michel de Vaudreuil.

Aide-Créquy ajoute deux autres éléments : la croix du Saint-Esprit et l'épée, issues directement des représentations des insignes royaux sur les portraits des rois de France aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui n'étaient cependant pas portées avec le manteau fleurdelisé utilisé seulement lors du sacre (à propos de l'épée voir ces extraits tirés de Pinoteau 2005).

 

Jean-Antoine Aide-Créquy (1749-1780), Saint Louis tenant la couronne d'épines (détails), signé et daté 1777, huile sur toile, 158 x 188 cm, Église Saint-Louis Isle-aux-Coudres. Photo collaboration de Jean Lacasse 15 juin 2018.

Anonyme, Saint Louis présentant la couronne d'épines,
XVIIe ou XVIIIe siècle, huile sur toile, 39,5 x 31,2 cm, MRHSJ. Photo Robert Derome 1972.

Anonyme, Saint Louis présentant les clous de la passion et la couronne d'épines, XVIIIe ou XIXe siècle, huile sur toile, 148 x 98 cm, MRHSJ. Photo Robert Derome 1972.

Les Religieuses hospitalières de saint Joseph de Montréal (MRHSJ) conservent deux tableaux représentant saint Louis. Le plus ancien, qui a été rentoilé et qui présente plusieurs indices d'exposition à de fortes chaleurs, pourrait dater d'avant l'un des incendies subis par la communauté : 1695, 1721 ou 1734. Le style et la facture pointent vers une oeuvre d'importation française datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Une copie grand format, fin XVIIIe ou début XIXe qui a déjà été attribuée à Louis Dulongpré (1754-1843), aurait décoré, d'après la tradition orale, l'ancienne chapelle de la rue Saint-Paul avant 1860. Son vernis, fortement jauni, était parsemé d'éclaboussures de peinture lors de la prise de cette photo (Derome 1972.12).

Claudio Girardi brodeur, d'après le peintre Carlo Maratta, Saint Louis agenouillé devant la couronne d'épines, 1725, Tableau de broderie fils de soie collés sur parchemin papier et cuir peint, 39 x 31 cm, Beauvais, Cathédrale Saint-Pierre. Source.

Anonyme, Saint Louis vénérant la couronne d'épines, XVIIIe siècle, huile sur toile, 320 x 110, Maine-et-Loire, Brissac-Quincé, Église Saint-Vincent-de-Paul. Source.

Anonyme, Saint Louis offrant la couronne d'épines, XVIIIe siècle, huile sur toile, 190 x 115 avec cadre, Champagne-Ardenne, Aube, Église Saint-Léger-sous-Margerie. Source.

Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Saint Louis vénérant la couronne d'épines, XVIIIe siècle, esquisse plume encre lavis gris sanguine, 16,8 x 8,4 cm, non signé, Collection Pierre-Adrien Pâris (1745-1819), son legs à la Bibliothèque municipale de Besançon 1819, mis en dépôt 1843, Besançon, Musée des beaux-arts et d'archéologie D.2856.

Les titres des oeuvres françaises présentant cette iconographie de saint Louis, aux XVIIe et XVIIIe siècles, le disent « vénérant », « tenant », « agenouillé devant », « offrant » ou « déposant » la couronne d'épines. À genoux, avec ou sans coussin, il est habituellement couvert d'un manteau fleurdelisé anachronique tel que discuté plus haut. La couronne d'épines peut être posée sur un coussin, un autel, une croix, tenue dans ses mains avec un linge. On note également la présence de divers insignes royaux : sceptre et main de justice, bouclier, couronne royale. Il est toujours en communication avec le royaume céleste : habituellement en regardant vers le haut, ou, placé sous le regard bienveillant des anges s'il est complètement prostré.

« The Boucicaut Master, Departure of St. Louis for the Crusad (detail), Cutting from Tresors des histoires, French (Paris), c.1400, Paris, Musée du Louvre, MS RF1929-recto. » Source : web ou pdf.

Charles-Antoine Coypel (1694-1752), Saint Louis sous les traits de Louis XV recevant la couronne d'épines, 1745, huile sur toile, 150 x 82 cm, Nantes, Musée d'Arts, INV616;D804-1-24P. Source : web ou pdf.

Louis-Chrétien de Heer (1760-1808), Saint Louis rendant grâce pour la couronne d'épines et les clous de la crucifixion au nom du seigneur Chartier de Lotbinière et de la seigneuresse Godefroy de Tonnancour (détail), 1792, huile sur toile, 289 x 208,5 cm, Église Saint-Michel de Vaudreuil.

La représentation de saint Louis en armure de chevalier avec ses attributs royaux, dont son manteau fleurdelisé, est rare avant le XIXe siècle, par exemple dans une enluminure du XVe siècle où on distingue la couronne ouverte, le sceptre et le fourreau noir de l'épée.

Au milieu du XVIIIe siècle, Coypel retient l'armure dans le cadre de l'iconographie montrant saint Louis agenouillé avec la couronne d'épines, caractéristique qui est retenue par de Heer et ses commanditaires pour leur composition (voir Armoiries accolées de Chartier de Lotbinière et de Godefroy de Tonnancour) ; ces deux chevaliers en armures, revêtus du manteau fleurdelisé n'ont pas d'épées apparentes et leurs couronnes royales déposées au sol sont toutes deux ouvertes (voir ces extraits tirés de Pinoteau 2005).

Notons que saint Louis est représenté sous les traits du roi Louis XV par Coypel et sous ceux de Chartier de Lotbinière par de Heer. Par ailleurs, le titre du Coypel précise que le roi est montré « recevant » la couronne d'épines, opération inverse à celles décrites plus haut, tels qu'en font foi les gestes de ses mains. Cette caractéristique permet de mieux comprendre les gestes du tableau de Vaudreuil. Saint Louis et ses commanditaires sont alors en position de faveur et de remerciement par rapport au ciel, duquel ils reçoivent la grâce divine d'expiation via les symboles forts et pétris de souffrances que sont les supplices de la croix représentés par les clous de la crucifixion et la couronne d'épines.

 


Saint Louis Manteau fleurdelisé Couronne d'épines Croix

Croix de Malte, du Saint-Esprit, et de Saint-Louis

Jean-Antoine Aide-Créquy (1749-1780), Saint Louis tenant la couronne d'épines, signé et daté 1777, huile sur toile, 158 x 188 cm, Église Saint-Louis Isle-aux-Coudres. Photo collaboration de Jean Lacasse 15 juin 2018.

Croix de l'ordre du Saint-Esprit, XVIIIe siècle, or et émail, Grande chancellerie de la légion d'honneur (web ou pdf).

Louis-Chrétien de Heer (1760-1808), Saint Louis rendant grâce pour la couronne d'épines et les clous de la crucifixion au nom du seigneur Chartier de Lotbinière et de la seigneuresse Godefroy de Tonnancour (détail), 1792, huile sur toile, 289 x 208,5 cm, Église Saint-Michel de Vaudreuil. Photo Bernard Bourbonnais, Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, 2009 (collaboration de Sébastion Daviau, correction de perspective par Robert Derome d'après la photo originale).

Dernier détail énigmatique, la médaille au cou de saint Louis dont le motif ressemble, chez de Heer, à une croix de Malte dont la forme a été utilisée pour les croix de l'ordre du Saint-Esprit et de Saint-Louis.

Son prédécesseur Aide-Créquy avait pourtant peint, quinze ans plus tôt, une version qui se rapprochait davantage des médailles portées par les rois de France (voir Diffusion par les historiens de l'art). Il s'agit de la croix du prestigieux ordre du Saint-Esprit.

Les représentations de saint Louis en grand manteau fleurdelisé portant une croix de l'ordre du Saint-Esprit sont toutes anachroniques. En effet, cette décoration fut créée trois siècles après sa mort !

L'ordre du Saint-Esprit, créé en 1578 par Henri III, fut aboli de 1791 à 1814, puis réactivé jusqu'en 1830. Cette miniature montre sa première remise. Par la suite, elle fut portée par tous les rois jusqu'à la Révolution.

Guillaume Richardière (documenté de 1580 à 1587), Henri III présidant la première cérémonie de l'ordre du Saint Esprit le 31 décembre 1578 : réception de Ludovic de Gonzague, duc de Nevers, Bibliothèque et archives du château de Chantilly, Ms. 408 (sources 1, 2 et 3).

1589-1610 Henri IV — par Frans Pourbus le Jeune, Florence, Galleria Palatina. Photo Leemage/Corbis via Getty Images.

1610-1643 Louis XIII — par Philippe de Champaigne, 1622-1639, Royal Collection Trust, RCIN 404108.

1643-1715 Louis XIV — par Hyacinthe Rigaud, 1701. Wikipedia.

1715-1774 Louis XV — par Louis-Michel Van Loo, 1763. Wikipedia.

1774-1792 Louis XVI — par Antoine-François Callet, 1789, Château de Versailles. Source.

Les croix de Malte et de l'ordre du Saint-Esprit permettent d'en évoquer une autre, aux formes similaires, qui était alors beaucoup mieux connue des Québécois de cette période nés sous le Régime français de la Nouvelle-France : la croix de Saint-Louis.

Cette croix de Saint-Louis est portée très fièrement par Saint-Luc de La Corne dans des portraits peints seulement quelques lustres avant le tableau de Vaudreuil commandité par Michel-Eustache-Gaspard-Alain Chartier de Lotbinière dont le père, Michel, avait reçu cet insigne honneur dès 1771 (Fauteux 1940 p. 198).

Attribué à E. (Edward ?) Vaughan (actif à Londres en Angleterre de 1772 à 1814), Saint-Luc de La Corne (1711-1784), vers 1772-1784, miniature, huile sur ivoire sertie dans un cadre doré garni de perles, 4 x 3 cm, dans un encadrement ultérieur de 17 x 13,4 cm permettant de l'accrocher au mur, Montréal, Musée David M. Stewart, 1972-479. Photo Gilles Rivest.

Anonyme, Londres, Saint-Luc de La Corne (1711-1784), vers 1778, huile sur toile, 76,2 x 63,5 cm, Montréal, Musée du Château Ramezay, 1998.898.

« La médaille a la forme d'une croix à quatre branches, séparées par des fleurs de lys. En or émaillé de blanc, elle représente à l'avers le roi saint Louis en armure, tenant une couronne de lauriers et la couronne d'épines. La fondation par Louis XIV est rappelée par la légende "Ludovicus Magnus instituit 1693". Le ruban est de couleur rouge. »

Croix de chevalier de l'ordre de Saint Louis, 1700-1725, Or émail soie, 10 x 3,7 cm, Paris, Musée de l'Armée 995.229.

François Marot (1666-1719), Première promotion des chevaliers de l'ordre de Saint-Louis par Louis XIV à Versailles le 9 mai 1693, 1710, huile sur toile, 51 x 76 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon MV2149. « La première promotion des chevaliers se déroula le 9 mai 1693 dans la chambre du roi à Versailles, mais la pièce représentée est la chambre résultant des transformations de 1701. »

Quelques extraits tirés de l'ouvrage Les chevaliers de Saint-Louis en Canada (Fauteux 1940) permettent d'esquisser un bref aperçu de cet ordre en Nouvelle-France dont la présence s'est même poursuivie sous le Régime anglais.

« C'est par un édit du 5 avril 1693 que fut créé l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis [p. 8].

Durant les cent trente et quelques années que dura son existence, l'Ordre de Saint-Louis subit dans ses règlements des modifications assez nombreuses, par exemple quant au nombre de ses dignitaires, quant au chiffre des pensions à distribuer, quant à la durée du service requis, mais jamais l'on n'osa toucher aux deux statuts fondamentaux qu'avait établis son créateur et qui exigeaient, en même temps que la qualité d'officier, la profession de foi catholique [p. 11].

Cette décoration consistait essentiellement en une croix d'or à huit pointes pommelées, émaillée de blanc, anglée de fleurs de lys d'or. Au centre de l'avers, sur un champ de gueules émaillé qu'entoure une bordure d'azur également d'émail avec cette inscription en lettres d'or : Lud. Mag. Ins. 1693 (Ludovicus Magnus instituit 1693), on voit représenté un saint Louis cuirassé d'or et couvert du manteau royal, tenant dans sa droite une couronne de laurier et dans sa gauche la couronne d'épines et les clous de la Passion. Au revers, aussi sur champ de gueules, une épée nue flamboyante, la pointe passée dans une couronne de laurier, liée de l'écharpe blanche, le tout cerné d'une bordure d'azur avec ces mots en lettres d'or: Bell. Virtutis Praem (Bellicae virtutis praemium) [p. 28-29].

L'Ordre veillait avec un soin jaloux sur ses insignes et principalement sur sa croix. Il était de règle qu'à la mort d'un chevalier, sa croix fut retournée par les héritiers dans le plus bref délai et, dans notre Canada du moins, il n'y a qu'un seul cas connu où une croix de Saint-Louis paraisse n'avoir pas été rendue à l'Ordre après la mort de son titulaire, et encore est-il extrêmement douteux. Je ne veux pas parler ici du cas du gouverneur de l'Île Royale, M. Pastour de Costebelle, qui aurait, a-t-on souvent prétendu, légué sa croix à sa fille, mais qui, en réalité, n'a légué à celle-ci que la chaîne à laquelle était attachée ladite croix, ainsi qu'il appert aux termes de son testament. Je veux parler du cas plus troublant du premier seigneur de Saint-Ours. Voici comment en 1721, à la veille de sa mort, ce chevalier de Saint-Louis aurait disposé de sa croix par son testament que l'on trouve intégralement reproduit dans l'Histoire de la Seigneurie de Saint-Ours par l'abbé Couillard-Després : "Je donne à nostre église ma croix de l'Ordre militaire de St-Louis pour mestre au St-Sacrement et lorsqu'elle y sera attachée, Je demande par grâce à tous ceux qui seront présens de dire un de profundis pour moy et ceux qui ne le sçauront pas un pater et ave pour ma pauvre âme et si Je suis alors heureux que le tout puissant me donne son paradis Je le prierai de le leur donner aussi [p. 30-31]."

[…] en 1793, la Révolution abolissait l'Ordre de Saint-Louis qui constituait à ses yeux une caste […]. Tandis que Louis XIV, durant les vingt-deux dernières années de son règne, de 1693 à 1715, n'avait nommé que dix-sept grands-croix, cinquante-deux commandeurs et dix-huit cents chevaliers, Louis XVIII et Charles X trouvèrent moyen de distribuer en seize ans, de 1814 à 1830, douze mille cent quatre vingts croix de Saint-Louis. Cette débauche de promotions eut le résultat qu'on aurait dû prévoir : un rapide et complet discrédit. Semblable à Tarpéia écrasée sous les boucliers des Sabins, l'Ordre que Louis XIV avait fait si glorieux s'écroula en 1830 sous l'avalanche déchaînée des mêmes décorations avec lesquelles on avait erronément compté le régénérer [p. 36].

Sur un nombre total de deux cent quatre-vingts chevaliers qui ont servi en Canada, il n'y en a que vingt-six dont je ne suis pas parvenu à découvrir à ma satisfaction l’année précise où ils ont obtenu la croix, et que, à cause de cela, j'ai dû inscrire à la fin de la liste, dans un ordre vaguement chronologique, sous la rubrique: Date inconnue [p. 90]. »

 

Saint Louis Manteau fleurdelisé Couronne d'épines Croix
L'iconographie de saint Louis
chez de Heer
et Aide-Créquy
web Robert DEROME