Les sources iconographiques
des portraits fictifs du père jésuite Jacques Marquette |
1879-1882 Dessinateur à identifier - Graveur Swain & Armstrong
Cette gravure, intitulée Marquette teaching the Indians, a été publiée à Londres dans l'ouvrage de l'américain John Stevens Cabot Abbott (1805-1877) intitulé Through prairie and forest, or, The adventures of de La Salle, discoverer of the Mississippi, with illustrations. Elle y est importante car placée en frontispice. Abbott était historien, pasteur et pédagogue. Il a publié de nombreux ouvrages historiques.
« He was a voluminous writer of books on Christian ethics, and of histories, which now seem unscholarly and untrustworthy, but were valuable in their time in cultivating a popular interest in history. » Source.
Sa première biographie de La Salle, où il parle de Marquette dès le début de l'ouvrage, date de 1875 : Abbott 1875 (web). Son titre est : The adventures of the Chevalier de La Salle and his companions, in their explorations of the prairies, forests, lakes, and rivers, of the New world, and their interviews with the savage tribes, two hundred years ago. Elle est publiée à New York par l'éditeur Dodd & Mead. La gravure en frontispice, Anonyme et de facture naïve, présente des Amérindiens armés de lances chevauchant dans la prairie.
En outre, quatre autres illustrations de la même facture mettent surtout en valeur les paysages et les autochtones du territoire et non les explorateurs tels que Marquette et La Salle.
Collaboration Philippe Adam.
Ce sont des esquisses pour les tableaux de George Catlin (1796-1872) conservés au Smithsonian American Art Museum : • Prairie Meadows Burning, • View on the Missouri Alluvial Banks Falling In, 600 Miles Above St Louis, • Picturesque Clay Bluff, 1700 Miles Above St Louis, • Crow Lodge of Twenty-five Buffalo Skin, • Picturesque Bluffs Above Prairie du Chien. On retrouve une grande partie des œuvres de George Catlin sur Wikidata:WikiProject sum of all paintings/Creator/George Catlin ; il a aussi travaillé sur une « Commémoration de La Salle » commandée par Louis Philippe ou encore sur le Père Louis Hennepin (1626-1704) missionnaire et explorateur des terres intérieures de l'Amérique du Nord.
Que s'est-il passé pour que l'on décide de publier une réédition de cette biographie de La Salle, après le décès de son auteur en 1877, avec le même texte et nombre de pages, mais sous un autre titre, à Londres, chez un autre éditeur et avec cette gravure de Marquette en frontiscipe ?
La découverte de la chapelle et de la tombe de Marquette par Jacker (1873-1878 Jacker), en 1877, pourrait expliquer cette offensive commerciale afin de profiter de l'engouement provoqué par cet événement historique. L'éditeur londonnien, Ward, Lock & Co., habille l'ouvrage d'une nouvelle illustration plus commerciale et d'actualité, à l'époque où Marquette se vend mieux que La Salle. Même si le contenu du livre est identique, il en change le titre. Donc une réédition probablement non consentie par les tenants légaux des droits d'auteur. Cette réédition n'est pas datée. Les bibliothèques proposent plusieurs dates de publications allant de 1879 à 1882 : Abbott 1879 (web), Abbott 1880 (Bibliotheca Bodleiana : fiche et numérisation), Abbott 1882 (web).
Marquette, barbu, cheveux longs, couvre-chef et foulard en guise de rabat, est assis, l'index droit pointant vers le ciel, le bras gauche appuyé sur l'épaule d'un enfant lui-même appuyé sur sa cuisse. Devant-lui, par terre, un grand chapeau de paille repose sur un grand vêtement cachant partiellement ce qui semble être un bâton de marche.
Le prédicateur regarde directement devant lui un chef amérindien, tête ornée de plumes, fumant le calumet. Un autre amérindien, d'âge respectable, est assis à la gauche du chef, flanqué de deux plus jeunes, debouts, dont l'un s'appuie sur ce qui semble être un instrument aratoire. Ce groupe fait face à un écran de grands arbres protecteurs remplissant le fond de la scène. La figure de Marquette s'y distingue, foncée, devant un halo plus pâle le mettant en valeur par cette lumière diffuse émanant d'on ne sait où.
Une éclaircie, à l'extrême gauche, laisse voir, au loin, une femme, devant un tipi, un panier sur la tête et un paquet sous le bras, accompagnée d'un chien.
À l'extrême droite, un dernier groupe se compose d'une femme tenant un bébé emmailloté, une enfant adolescente tenant un bâton à la main gauche et une autre pubère. Aux pieds de ce groupe, posés par terre, une urne et une écuelle.
Le message d'ensemble de cette représentation est donc la transmission de la foi à toutes les générations d'Amérindiens dans le cadre de leur intimité familiale.
Les initiales du dessinateur, dans un monogramme difficile à interpréter, paraissent dans l'image, en bas, au tiers gauche. La signature du graveur est inscrite dans l'image à bas à droite : « Swain & Armstrong Sc ».
Dessinateur : |
Graveur : |
Un graveur, du nom de « John Swaine », a vécu de 1775 à 1860.
« SWAINE, John, engraver, was born at Stanwell, Middlesex, in 1775. He was a pupil of Jacob Schnebellie, and later of Barak Langmate. He worked chiefly on antiquarian subjects, and produced some well-executed facsimiles of old portraits. He died in London in 1860. His son, Johan Barak Swaine, was also educated in his father's art, but died in 1828, at the age of twenty-three. » Michael Bryan, Dictionary of Painters and Engravers, Biographical and Critical, G. Bell and sons, 1889, vol. 2, p. 548.
Ian Maxted, sur son site web Exeter Working Papers in Book History, a publié un Index of engravers and artists for Cassell's illustrated family Bible, 1859-63.
Cassell's illustrated family Bible, The Holy Bible, containing the Old and New Testaments, with explanatory notes, references, and a condensed concordance, Illustrated with more than nine hundred highly finished engravings, Cassell, Petter & Galpin, 1859-1863, xxii, 1264, 424 p.
On y trouve ces informations à propos du graveur Swain & Armstrong qui a signé des gravures dans cette Bible.
• Armstrong, W. Engraver. 58, Fleet Street (Swain & Armstrong) 1855. Blocks in Don Quixote 1842 (Buchanan-Brown). OT 353.
• Swain, John. Engraver. 58, Fleet Street (Swain & Armstrong) 1855; 266, Strand 1860. OT 1121, NT 121.
Si John Swaine est décédé en 1860, il serait étonnant qu'Armstrong ait poursuivi le commerce sous la raison sociale de « Swain & Armstrong » pendant plus de vingt ans ! À moins qu'il s'agisse d'autres graveurs ? La nypl.org conserve une gravure du Crystal Palace portant cette même signature et qui date de 1858, mais aucun des deux partenaires n'est identifié plus précisément. Cette collection contient plusieurs gravures identifiées, individuellement, à un Joseph Swain (1820-1909) et un William G. Armstrong (1823-1890) qui pratiquaient leur art à l'époque de la plublication de cette gravure de Marquette.
Se pourrait-il que cette gravure de Marquette soit bien antérieure à sa publication en 1879-1882 dans cette réédition ? L'éditeur a investi pour accroître la quantité d'images. Mais l'ensemble de ces gravures se caractérise par un grand éclectisme, pouvant permettre de soutenir l'hypothèse de la réutilisation d'une gravure plus ancienne, renforcée par le fait que le texte lui-même est une réédition ! Plusieurs de ces illustrations semblent d'ailleurs être des emprunts ou des rééditions. Une seule d'entre elles, les Chutes Niagara, est signée « Sargent ». Si la gravure de Marquette est antérieure à la publication de ce livre en 1879-1882, d'où peut-elle bien provenir ?
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Deux autres rééditions de cet ouvrage à New York par Dodd & Mead, le même qu'en 1875, Abbott 1898 (web) et Abbott 1903 (web), présentent une toute autre gravure, en frontispice, qui n'est ni signée ni identifiée.
Pour couronner le tout, la gravure de 1879-1882 représentant Marquette teaching the Indians a été modifiée, en lui substituant une autre légende afin d'en faire une représentation de John Eliot Preaching to the Indians, sujet dont il existe plusieurs autres compositions et illustrations fabriquées au XIXe siècle (voir ci-dessous). Ce qui confère donc à cette gravure un statut de portrait doublement « fictif ».
Cette gravure figure dans l'ouvrage de Lossing 1902 (web, vol. 3, p. 214) qui fait toutefois disparaître la signature du graveur, « Swain & Armstrong Sc », dans l'image à bas à droite. La même page reproduit également la gravure, ci-dessous, du portrait de John Eliot (1604-1690). Arrivé à Boston en 1631, il officie à la première église de Roxbury. À compter de 1641, il convertit environ 4 000 Amérindiens et traduit même une bible en mohican et en algonquin.
Lossing 1902 (web, vol. 3, p. 214). |
Portrait de John Eliot, supposément peint vers 1658-1659 et conservé, semble-t-il, |
Anonyme, Elliot the Missionary preaching to the Indians, 1830, gravure, Granger.
Anonyme, Elliot preaching to the Indians, 1832, gravure, Granger.
Dessin de Johannes Adam Simon Oertel, gravure par John Chester Buttre,
John Eliot preaching to the Massachusetts Indians, vers 1856, New York, Granger Collection. Source.