Les sources iconographiques
des portraits fictifs du père jésuite Jacques Marquette |
1873-1878 Edward Jacker
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Cette représentation, qui figure parmi les toutes premières de Marquette, n'est pas étrangère à la personnalité et l'expérience de Jacker sur le terrain. Studieux et anthropologue, il recueillit plusieurs informations, auprès des Améridiens de ses paroisses, qu'il publia. Il n'est donc pas étonnant qu'il se projette en Marquette, qui apprend la géographie au sein d'un groupe d'Amérindiens et leur apporte le message divin. L'influence de 1841 Darley se fait sentir dans la sereine position assise, le vêtement, le sac à dos (ici posé sur les cuisses) et le chapeau. La barbe est courte et la croix à la ceinture, comme chez 1869 Lamprecht ; toutefois, le chemin à suivre est ici montré du bras et du doigt par un Amérindien. Concentré, Marquette est dédié à la connaissance : son apprentissage et sa transmission. De multiples interactions relient Marquette à son environnement dans un foisonnement de détails picturaux. La composition est savante, ménageant plusieurs espaces imbriqués, révélant des activités variées, en prolongement thématiques les unes avec les autres. En outre, Jacker a finement observé les Amérindiens dont il livre une diversité de coiffures, vêtements et attitudes. |
La place centrale est délimitée par un classique triangle, partant des deux coins inférieurs, dont la pointe culmine avec le groupe consacré à la géographie, mis en valeur par le sol éclairé. Marquette, carnet de notes ou de voyage sous le bras, suit les indications sur une carte, posée sur ses genoux, pendant qu'un Amérindien à genoux, au riche habit orné d'un soleil et de décorations (le chef), en dessine une autre au sol. Le grand, debout, avec la croix au cou et un ours sur son vêtement (symbiose de deux cultures), pointe du bras et du doigt vers une direction à suivre. Celui de gauche, genou par terre, calumet à la main et tatouages traditionnels au corps, tient également un discours tout en pointant du bras vers le village.
Un deuxième groupe, dans le bas du triange dont le sol est à l'ombre, observe attentivement ces échanges accompagnés de deux chiens au repos. Les deux spectateurs les plus éloignés fument le calumet, symbole de paix. Celui de gauche exhale la fumée vers le haut qui semble infuser tout le village via la grève. Ils créent ainsi le contexte de paix indispensable à la rencontre des cultures et à la transmission des informations.
Au centre, le futur repas de chevreuil repose dans l'ombre près des armes, l'arc et le carquois qui ont permis sa capture. Le jeune, près de celui qui étendu sur le ventre, apprend les rudiments de cet art avec son petit arc, symbolisant ainsi la force de la transmission de la connaissance d'une génération à l'autre.
Cette force de la transmission figure également juste au-dessus, dans le groupe, à l'ombre, sur un plan plus éloigné. La croix y symbolise le message apporté par Marquette, celui de la religion catholique, entre un grand assis et un jeune à genoux. Cette transmission se fait sous l'oeil attentif d'une femme avec ses trois jeunes enfants.
Cette scène permet le rapprochement avec le village dans le lointain où cette transmission deviendra effective par sa large ouverture à toute la communauté authoctone sous la protection du fort en haut de la falaise. La croix y est bien visible sur le grand bâtiment principal.
Revenons au centre de la composition. À droite du chevreuil, à l'avant-plan, un faisceau de branches, près d'un panier, servira au feu de la cuisson.
Ces éléments préfigurent la scène de cuisson à l'extrême droite de la composition, dans l'étroit espace délimité par l'arbre traversant judicieusement l'image de bas en haut. En face d'un tipi, une marmite surpendue au-dessus du feu, sous un trépied, présage d'un repas à venir. La crevasse, le surplomb du guetteur, la plaine et l'ouverture vers l'eau, découlent de l'influence romantique issue des mouvements du picturesque et du sublime, mais teintée de la présence de la forêt si importante dans l'imaginaire allemand du dessinateur. Le paysage réel de Mackinac Island, moins accidenté, n'a pas ces dimensions grandioses. Cette mise en scène met en valeur le petit guetteur, placé haut au-dessus du gouffre, et la transmission des signaux qui, en fait, est la thématique de base de cette très savante composition. Ce guetteur communique avec d'autres comparses, dans leurs canots, au loin, près de la rive ou sur l'eau. Rapportent-il du poisson, à préparer et cuisiner près du tipi à la marmite ? Cette oeuvre présente, de façon virtuose, l'activité de Marquette et son legs : le succès de son enseignement religieux ; le pacifisme des relations entre deux civilisations dans le respect l'une de l'autre. Donc, un Marquette (et un Jacker) en harmonie avec sa mission, la nature et les authoctones, leur apportant le message divin, mais apprenant la géographie et leurs moeurs à leur contact. |