Les portraits du père jésuite Paul Le Jeune, confusions et conversions...
1830-1858 James Duncan pour Jacques Viger MAVM (Charlevoix) |
James Duncan (1806-1881), |
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Le 20 juillet 1838, en pleine période de Rébellion des Patriotes, Viger écrit à Léon Potel (Hudon 2012.02.06 ou pdf) qui s'apprête à partir en voyage.
« J'aimerais à savoir si l'on ne pourrait pas se procurer en France les vieux portraits gravés des Champlain, Cartier, Frontenac, De Courcelles, Mésy & en un mot de tout Européen qui s'est fait un nom au Canada [Boivin 1990, p. 28, Lettre de Jacques Viger à Léon Pottel (a/s du Dr Charles Frémont), Fond Verreau, QAS, boîte 62, n° 221, cité dans Martin 1988, p. 4] ».
Le 23 novembre 1839, il donne une description plus élaborée de son projet.
« Je fais, dans ce moment-ci, un Album, mais à ma façon, c'est-à-dire non pas tout-à-fait aussi petit(e), léger et insignifiant que cette sorte de livre l'est généralement ; et je tâche de le rendre aussi Canadien que possible tant par le choix des sujets que j'y admets que par la main des Ouvriers que j'y employe. Artistes et Amateurs, tout ce qui sait dessiner ou peindre à Montréal a été mis à contribution. J'ai déjà près de cent pièces, dont bon nombre ne sont certes pas à mépriser ; mais je n'ai rien encore de Québec, ça viendra. (...) J'ai de tout dans ce livre ; fleurs, fruits, animaux, paysages, bâtimens, monumens, médaillons, bas-reliefs, portraits &c. J'y ai du gai, du triste, du tendre, de l'effrayant, du sacré, du profane... mais de la décence avant tout. J'y ai enfin de la gravure, du dessin à la plume et au crayon, du mezzo-tinto, du lavis, de l'aquarelle et de la gouache, - et même de la découpure. (Jacques Viger, 1639) [Boivin 1990, p. 1, Lettre de Jacques Viger à Joseph Légaré, Fond Verreau, QAS, boîte 62, 23 novembre 1839, n° 227] »
Huguette Boivin Piérard, qui a fait un mémoire de maîtrise en histoire de l'art sur cet album (Boivin 1990), le décrit ainsi.
« Ce recueil factice constitué de pièces diverses et éparses a été assemblé par Jacques Viger dans les décennies 1830 et 1840, puis relié, mais enrichi de nouvelles pièces jusqu'en 1856. Des documents et des dessins ont été ajoutés aux pages de support après que l'Album Viger fut relié ; grâce à de minces bandes de garde pliées en deux, des planches complètes y ont également été insérées. La pagination de 1 à 347 (recto-verso) a été effectuée après l'acquisition du recueil par la Bibliothèque municipale de Montréal en 1943 [Boivin 1990, p. 3 et note 7]. »
Il est difficile de dater les interventions des artistes, écrivains et collaborateurs dans cet album, car rien n'y est classé dans un ordre chronologique.
« Nous croyons que l'ordonnance inusitée et déroutante de l'Album, tel qu'il nous apparaît aujourd'hui, a été voulue et décidée par Jacques Viger, homme dont la grande originalité était proclamée par ses contemporains. "[Jacques Viger] ne visait qu'à l'originalité à laquelle son visage sarcastique se prêtait beaucoup [Barthe 1885, p. 402]." "C'était l'homme le plus laid, le plus excentrique, le plus aimable et gai que j'ai connu [Ouellet 1957, p. 34]." Celui-ci avait créé et formé Souvenirs Canadiens et le complétait progressivement selon l'effet de surprise ou d'étonnement qu'il voulait procurer à ceux qui le feuilletaient ou peut-être selon l'importance personnelle ou historique qu'il accordait aux documents. Ainsi le texte inédit intitulé "Les deux Jacques", malgré sa date tardive [25 février 1847] ouvre le recueil. Ce texte rend hommage d'un ton vibrant et original au collectionneur. [Boivin 1990, p. 4-5, 24 et notes 9-10]. »
Les auteurs des 41 portraits se partagent (selon la classification de Boivin 1990, p. 28-54) entre 5 artistes professionnels (James Duncan, Théophile Hamel, William Berczy fils, Giusseppe Fascio, Anson Dickenson), 5 artistes amateurs ou peu connus (Henriette Duchesnay, Louisa Fiset, Robert T. Howden, Caroline N., Eliza Ross), 3 gravures par des artistes étrangers (le peintre H. Dawe gravé par Edwrd Hacker, lithographie par G. E. Madeley, le peintre G. Busato gravé par Ant. Viviani) et 8 oeuvres anonymes, parmi lesquelles le Buste de Jean de Brébeuf que nous attribuons à Félix Martin. Viger ASC : (266) Attribué à Félix Martin, Joannes de Brebeuf. Soc. Jes. tué par les Iroquois le 16 mars 1649, crayon et aquarelle, 16,6 x 14,2. |
Liste des oeuvres de James Duncan dans Souvenirs canadiens. D'après Boivin 1990. James Duncan (1806-1881), né à Coleraine (Irlande du Nord), arrive à Montréal en 1830 où il devient le protégé de Jacques Viger. Voici la liste de ses contributions à cet album.
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1. PORTRAITS. Sur les 41 portraits de l'album 15 sont par James Duncan.
(61) James Duncan, (attr.) "Madeleine de Chauvigny, Dame de la Peltrie", aquarelle et traces de crayon, 8 (diametre du cercle)
(61) James Duncan, (attr.) "Vénérable Mère Marie de l'Incarnation", aquarelle et traces de crayon, 8 (diamètre du cercle)
(116) James Duncan (attr.), "Alexandre Vattemare", aquarelle, crayon gras, traces de vernis, 9,6 x 7,8
(125) James Duncan, "Père F. X. De Charlevoix" (en réalité le Père Le Jeune), aquarelle, 16,6 x 13,8
(131) James Duncan, "Mgr Jean Jacques Lartigue", aquarelle, 11,4 (diamètre)
(174) James Duncan (attr.) "Marguerite Bourgeoys", aquarelle, traces de vemis, 9,9 (diamètre du cercle)
(174) James Duncan (attr.), "Soeur Marie Marguerite, veuve de Youville", aquarelle, 9,8 (diamètre du cercle)
(224) James Duncan (attr.), "Le Moyne de Bienville'", aquarelle, 15,2 x 12,3
(228) James Duncan (attr.), "Pere Joseph-François Lafitau", aquarelle, 13,2 X 10,3
(236) James Duncan (attr.), Portrait d'homme, gravure, 4 x 3,3
(242) James Duncan (attr.), "Mgr de Saint-Vallier", aquarelle, 13,5 (diamètre du cercle)
(318) James Duncan (attr.), "Emmanuel Crespel", aquarelle, 7,1 (diamètre du cercle)
(318) James Duncan (attr.), "Mère Louise Soumande de Saint-Augustin", aquarelle, 7,1 (diamètre du cercle)
(318) James Duncan (attr.), "Chevalier de La Corne", aquarelle, 7,1 (diamètre du cercle)
(318) James Duncan (attr.), "Francois Picquet, prêtre", aquarelle, 7,1 (diamètre du cercle)
Attributions par Morisset 1942c, Maurault 1944, Todd 1978.
Des 41 portraits contenus dans cet album, seuls 3 sont datés.
(95) Eliza Ross, Portrait de jeune femme, 1842, crayon, 15,4 x 12,5
(126) Robert T. Howden, Portrait d'enfant, 1841, crayon, 9,2 x 10
(292) Anonyme, "Modeste Mailhot, le Géant canadien", 1830, aquatinte, 7,8 x 6,1
2. LES SITES PITTORESQUES
(301) James Duncan. "Bois d'automne. Oct. 1839". aquarelle et traces de crayon, 9,3 x 15,8
3. LES PAYSAGES BATIS
3.1 Les vues générales
(127) James Duncan, "Ruines du Fort Senneville, paroisse Ste Anne, lle de Montréal, 1631", aquarelle, 12,1 x 17,4
(186) James Duncan, "Vue de l'lle Ste Hélène, vis-à-vis Montréal, 1831", aquarelle, 12,1 x 20,7
(216) James Duncan. "Village de Ste Geneviève, Ile de Montréal (1831, 10 août)", 1639, aquarelle, 14,6 x 21,6
(254) James Duncan, "Ruines de l'ancien Fort de Sault St-Louis (Caughnawaga)", aquarelle, 14,8 x 25,6
(258) James Duncan, "Vue prise de la Cote des 'Tanneries des Rolland', oct. 1839", aquarelle, 22 x 27,6
(266) James Duncan, "Vue de Montréal - prise de l'Ile Ste Hélène, 1831", aquarelle, 12,1 x 17,4
3.2 Les vues rapprochées
(88) James Duncan (attr.), "Façade de de l'ancienne église Notre-Dame de Montréal, lavis et encre, 12,5 x 8,4
(112) James Duncan, "WOLFE'S MONUMENT", lavis, traces de crayon" 27,7 x 22,9
(138) James Duncan, "Consecration of a bell for the Sisters of Charity, Interior of the Bishop's Church, Montreal", aquarelle, 13,7 x 19,1
4. SITES HISTORIQUES
(219) James Duncan (attr.) "Mr Vignal attaqué par les Iroquois à l'Ile-à-la-Pierre, le 25 octobre 1661", aquarelle, traces de vernis, pourtour d'encre, 16,3 x 26,4
(220) James Duncan (attr.), "Mr Vignal est fait prisonnier à l'lle-à-la-Pierre", aquarelle, traces de vernis, pourtour d'encre, 20 x 26,4
(236) James Duncan, "Clair de Lune" et "lncendie du fort Senneville", aquarelle, 16,5 x 10,4
LISTE '"HISTOIRE NATURELLE'" - LA FLORE
(158) James Duncan, "Feuilles de Plaine - 10 octobre 1839", aquarelle, traces de vemis, 25,1 x 22 (pleine page)
Viger ASC : (254) James Duncan, "Ruines de l'ancien Fort de Sault St-louis (Caughnawaga)", aquarelle, 14,8 x 25,6 (Boivin 1990).
Pour dater ce portrait de Charlevoix, on doit donc se rabattre sur les débuts de la collaboration de Duncan avec Jacques Viger, en 1830, et le décès du propriétaire de l'album en 1858. Il en va de même pour celui de Lafitau, auquel il est lié par le modèle source à Caughnawaga alors que Viger collabore étroitement avec Marcoux, Martin et Verreau. D'après le témoignage d'Hospice Verreau en 1858, ces portraits originaux n'étaient plus dans cette paroisse, alors qu'ils s'y trouvaient toujours selon Nicolas Frémiot en 1847. Les copies par Duncan seraient-elles contemporaines de la disparition de ces originaux au moment où Viger « les fit restaurer et copier » ? En outre, le peintre Joseph Légaré collabore aussi à l'album de Viger alors que son grand tableau, Souvenirs des jésuites de la Nouvelle-France, est bien connu de Félix Martin.
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Viger ASC : (228) James Duncan (attr.), R. P. Jos. Fr. Lafitau, aquarelle, 13,2 X 10,3 (Boivin 1990). |
Les portraits du père jésuite Paul Le Jeune, |