Les sources iconographiques
des portraits fictifs du père jésuite Jacques Marquette |
1901 Photogravure
Les textes publiés par Thwaites en 1901 ont été intégrés à
Analyse critique des premières publications sur l'icône de McNab.
« On devait bien se douter que cette image devait plus à l'imagination qu'à la réalité. » Collaboration de Patrice Groulx. Nous proposons une appellation radicalement différente de cette image par rapport à celle véhiculée dans l'historiographie jusqu'à maintenant. Nous proposons de l'identifier par ce qu'elle est : une photogravure non identifiée et non identifiable. Donc, un ersatz, une copie, une version dénaturée et diminuée. Diminuée par la transposition à partir du livre imprimé via les techniques de numérisation. Diminuée par les techniques d'impression sur papier en 1901. Diminuée par l'interprétation de la photographie par les techniques de photogravure. Diminuée par les techniques photographiques de la fin du XIXe siècle : premièrement par la prise de vue photographique, deuxièmement par le traitement du négatif, troisièmement par l'impression sur papier photographique. Diminuée par la transposition de l'oeuvre originale (non connue, non vue, non retrouvée, tout à fait comme dans l'allégorie de la caverne de Platon) vers la photo (voir les photos de Lehmann et 1904 St. Louis). Ce qui donne une énième génération, comme dans le « jeu du téléphone », avec tous les aléas de travestissements (voulus, planifiés, organisés et manipulés par McNab) du medium-message d'origine ! Cette photogravure illustre donc, d'une certaine (contre-) façon, une sorte de « non-être » iconographique de Marquette, tellement loin de son idiosyncrasie du XVIIe siècle, à travers un nébuleux filtre espace-temps. Un « ovni iconographique » illustrant fort bien un certain statut « céleste », quasiment « paradisiaque » (le paradis perdu de l'Éden mythique des temps primitifs immémoriaux), de ce « portrait-robot » intemporel. Il subit une perte à chaque étape de l'ajout d'un nouveau filtre (ou philtre, ou surenchère mystico-historico-religieuse et hagiographique), comme dans la multiplication de photocopies, de photocopies, de photocopies, de photocopies, de photocopies... Une perte d'image, mais également une perte d'identification et de signification, un éloignement de plus en plus grand de la réalité à travers les multiples écrans de plus en plus opaques. Une sorte de persona qui masque le personnage réel jamais atteint. Pourquoi proposons-nous ce nouveau point de vue ? Pour décrire réellement ce que nous avons devant nos yeux. Mais aussi, pour « exorciser » cette image. Exorciser la « fabrication » rusée de McNab. Pour, enfin, cesser de répéter la chaîne historiographique basée sur l'écrit et non sur l'observation de l'objet visuel devant nous. Pour couper court à la répétition des « faux » inventés par McNab : la supposée signature d'un artiste qui n'exite pas ; une date improbable où Marquette aurait prêté ses traits au portrait ; les inscriptions tarabiscotées de cette « icône » purement fictive et imaginaire du saint-missionnaire-héros-explorateur. Cette image ne partage pas les caractéristiques d'un portrait du XVIIe siècle qu'elle prétend être. Elle ressemble, cependant, à un pastiche d'un modèle ancien exécuté au XIXe siècle. Les craquelures de surface ont pu être obtenues avec une forme de vieillissement accéléré bien connue des faussaires. |
Photogravure du portait « fabriqué » par Donald Guthrie McNab en 1896. Légende sous l'image : « Alleged portrait of Jacques Marquette, S.J. (Photo-engraving from oil portrait, by unknown artist, discovered in Montreal in 1897.) » Thwaites 1896-1901 (t. 71, note 51). Dans notre analyse critique détaillée de la présumée source peinte de cette photogravure (voir ci-dessus 1896 McNab), Thwaites relate que McNab aurait fait cette découverte à l'hiver de 1896-1897. C'est la raison pour laquelle nous avons daté cette présumée oeuvre source de 1896, et non de 1897, comme le fait Thwaites dans cette légende. Ne fait-il pas penser, un peu, à un Brébeuf rasé et remanié, produit à partir d'images du XIXe siècles inspirées de la gravure de Huret ou du buste reliquaire de Poilly ? |
Thwaites avait pourtant été prudent dans la légende d'identification de cette image, en indiquant qu'il s'agissait d'une photogravure, d'un portrait présumé de Marquette, par un artiste inconnu. Cette prudence lui fait honneur et nous la partageons. Mais la publication de cette image par Thwaites, sous la houlette et l'aura du poids de son autorité en 73 volumes, est devenue argument de vérité, indiscutable, entraînant rapidement sa diffusion et sa multiplication, dans toute la profusion qu'on lui connaît, remisant ainsi au rancart tout sens critique, ou presque, car Donnelly 1985 semble avoir été sensible aux réserves de Thwaites face à ce portrait :
« Donald Guthrie McNab, a Canadian artist of some ability, who was commissioned in the late nineteenth century to produce portraits of early Jesuit missionaries for Collège Sainte-Marie, Montreal, accidentally discovered a quite ancient picture of a Jesuit which, for a time, was believed to be a portrait of Marquette made from life. The face in the picture is that of a dark, balding, almost beardless, prematurely aging, kindly young man. Careful research has demonstrated that the picture cannot be an authentic portrait of Marquette. (Note 21. The ]esuit Relations and Allied Documents, edited by Reuben Gold Thwaites.) » Donnelly 1985, p. 13, avec la collaboration de Christian Carette.
« Hamilton 1970 n'en parle pas à ma connaissance. Pourtant c'est le portrait de Marquette le plus connu et le plus répandu. Le problème c'est que jamais ne nous est dit où se trouve l'original de ce portrait, ni même si il existe et si il a disparu, dans quelles conditions. Un étonnant laxisme dans un domaine où tout a été suspecté analysé examiné expertisé de mille manières. » Collaboration de Christian Carette.
Table of Contents, Pictures and Illustrations,
Digitization Projects, Northern Illinois University Libraries.
La comparaison d'images numérisées, toutes trouvées sur internet, permet de bien visualiser cette perte, ou diminution, entre les oeuvres du Marquette Building (1895 Tiffany et 1895 MacNeil) et leur reproduction dans Thwaites 1902. Et, par conséquent, de jauger le degré de perte de 1901 Photogravure par rapport à son oeuvre originale. |