1966 Cohen, Beautiful losers, contre-culture, sexe et drogue.
Leonard Cohen (1934-2016) en visite à Caughnawaga (Kahnawake), avec sa soeur Esther, vers la fin des années trente (web ou pdf). Il a donc été introduit très jeune aux réalités autochtones à l'endroit même où vécut Tekakwitha qui allait devenir son héroïne et égérie.

Marianne Ihlen à droite, Cohen à sa gauche, puis deux amis.
Marianne à gauche avec son fils Axel Jensen Jr, Cohen, puis trois amis.
Photos James Burke, LIFE Picture Collection, Getty Images (web ou pdf).
|
|
Ces quelques photographies permettent d'évoquer son cadre et le style de vie dans sa maison à Hydra, en Grèce, dans les années soixante avec sa muse compagne Marianne Ihlen et ses amis. Le film Ombres sous la mer, en 1957, n'est pas étranger à la popularité de cette destination refuge, alors une île sans voiture, ni eau courante, ni électricité. Plusieurs maisons abondonnées y sont récupérées par une jeunesse y vivant la libération sexuelle, la contestation et le renouvellement des valeurs de la société. Le soleil, la couleur, la douceur de vivre du climat méditerranéen, y contrastent avec la noirceur des productions littéraires de Cohen. C'est là qu'il rédige, en 1964-1965, son roman culte expérimental et révolutionnaire Beautiful Losers, dont la première édition en 1966 est illustrée par Harold Town, artiste abstrait également illustrateur.
« Cohen insisted on having control over the cover and jacket copy, so as to avoid the disappointment he had had with the publication of Flowers for Hitler. Further, he insisted on no quotations from critics on the jacket [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »
C'est ce qui fait que les nus de cette jaquette situent si bien les personnages et thématiques de l'ouvrage.
|
Au recto, un triangle amoureux : le narrateur sans nom, universitaire folkloriste spécialiste de la tribu des A—s dont est issue sa femme Edith qui s'est suicidée, le mystique F. parlementaire séparatiste évadé d'un asile.
Au verso, les bras levés, un cri de désespoir tourné vers le ciel.
La structure hétéroclite, polymorphe et brouillon, n'est pas sans rappeler le foisonnement des Pensées de Blaise Pascal ou la désarticulation du Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa, dans des sous-sections numérotées, courtes ou longues.
Book I The History of Them All [52 sections numérotées]
Book II A Long Letter from F. — THE LAST FOUR YEARS OF TEKAKWITHA'S LIFE AND THE ENSUING MIRACLES [24 sections numérotées]
Book III Beautiful Losers An Epilogue in the Third Person
|
|
« Cohen's second (and last) novel remains, thirty years later, one of the most radical and extraordinary works of fiction ever published in Canada. Visionary and obscene, profound and ridiculous, beautiful and hilarious, it is the most complete and unsettling summation of Cohen's early themes and obsessions. History, sex, politics, religion, and poetry merge into an intricate dance of power relationships in which nothing can be taken for granted except the transcendent beauty of loss. It is a book that readers too can easily get lost in -- and maybe Cohen did so himself. Certainly, he has never been tempted to return to anything even remotely similar [Stephen Scobie, « Beautiful Losers Summary », The Leonard Cohen Files, 1997, web ou pdf]. »
« le roman de Cohen réinvente l'Histoire non pas seulement pour jouir de son pluriel, mais également pour la transmettre depuis un autre savoir et une autre représentation qui permet au sujet, malgré l'éclatement formel qui traverse ce récit, de symboliser la ruine ou l'effondrement d'un certain tombeau. Ce tombeau, édifié à l'occasion de la fondation de la Nouvelle France, est celui de Catherine Tekakwitha, l'Iroquoise dont le saint martyr aurait prouvé le bien-fondé de la mission de conversion des peuples amérindiens par les missionnaires jésuites oeuvrant à la colonisation de l'Amérique par la France catholique et romaine. Le roman de Cohen ré-invente ainsi l'Histoire afin que soit re-symbolisé ce qui, jusque-là, tenait lieu de fondation [Cardinal 1997.10, p. 109]. »
D'entrée de jeu, les premières lignes de l'ouvrage s'adressent directement à Tekakwitha pour laquelle Cohen décrit une image pieuse qui pourrait être celle de Nealis.
« Catherine Tekakwitha, who are you? Are you (1656-1680)? Are you the Iroquois Virgin? Are you the Lily of the Shores of the Mohawk River? Can I love you in my own way? I am an old scholar, better-looking now than when I was young. That's what sitting on your ass does to your face. I've come after you, Catherine Tekakwitha. I want to know what goes on under that rosy blanket. Do I have any right? I fell in love with a religious picture of you. You were standing among birch trees, my favorite trees. God knows how far up your moccasins were laced. There was a river behind you, no doubt the Mohawk River. Two birds in the left foreground would be delighted if you tickled their white throats or even if you used them as an example of something or other in a parable. Do I have nay right to come after you with my dusty mind full of the junk of maybe five thousand books? I hardly even get out to the country very often. Could you teach me about leaves? Do you know anything about narcotic mushrooms [Cohen 2009, p. 265] ? »
|
|
Cohen a effectué des recherches sérieuses puisqu'il se réfère à Lecompte 1930 (Cohen 2009, p. 312, 320, 339) : il met en exergue sa description d'une maison longue licencieuse qui alimente ses phantasmes sexuels à l'égard de Tekakwitha (Cohen 2009, p. 200). Il cite également, pour la signification du nom de Tekakwitha (Cohen 2009, p. 311), Marcoux (« She who puts things in order »), Cuoq 1882 (« Celle qui s'avance, qui meut quelque chose devant elle. ») et Lecompte 1930 (« Like someone who proceeds in shadows her arms held before her. »). Curieusement, il ne mentionne pas le nom de Walworth qui, pourtant, a une vision très ethnographique de Tekakwitha, ce qui aurait plu au narrateur universitaire sarcastiquement appelé folkloriste ! Nonobstant, on retrouve plusieurs références au prénom Kateri que Walworth lui a conféré (Cohen 2009, p. 329, 373, 378, 393, 405, 415, 417, 418, 419, 496) ! |
|
Médailles pendentifs (KC KI). Les 5 premières inspirés de Nealis, la dernière par Glass.
« F. said: A strong man cannot but love the Church. Catherine Tekakwitha, what care if they cast you in plaster? I am at present studying the plans of a birch-bark canoe. Your bethren have forgotten how to build them. And what if there is a plastic reproduction of your little body on the dashboard of every Montréal taxi? It can't be a bad thing. Love cannot be hoarded. Is there a part of Jesus in every stamped-out crucifix? I think there is. Desire changes the world [Cohen 2009, p. 269] ! »
|
|
|
Plusieurs statuettes de Tekakwitha, telles que mentionnées par Cohen, ont été commercialisées (KC KA U01).
Quant aux reproductions observées sur les tableaux de bord des taxis montréalais, ce pourrait bien être l'une ou l'autre des médailles ou des macarons toujours en vente. |
|
|
|

M12 F Macaron jaune - dessin de Kateri 0,75$ 1"1/2 20g
|

M13 F Macaron - Mère Nealis - format carré, coins arondis 2,50$ 1"1/4 10g
|

PC17 * F Kateri incrustée sur base magnétique - Attribuée à John Steele (KC KI), 5,00$ 2"1/4 x 3"1/3 10g (KC KI).
|

M15 F Médaille - argenté - base magnétique 6,00$ 1" 10g
|

M16 F Médaille - argenté - base magnétique 6,00$ 1" 10g
|
Macarons, images et médailles magnétiques, quatre inspirés de Nealis et l'autre de Steele.
Ainsi que plusieurs autres produits dérivés plus ou moins kitsch (KC KI).
Taxis et leurs clients à Montréal, dans les années soixante, à l'époque où Cohen travaille à son livre.
| 1965 web ou pdf | 1963 web ou pdf | 1964 web ou pdf | 1966 web ou pdf | 1964 web ou pdf |
|

Leonard Cohen dans sa maison à Montréal avec une sculpture de Tekakwitha (web ou pdf).
|
La religion et la sexualité copulent intimement tout au long de cette expérience littéraire particulière où Tekakwitha joue un rôle fusionnel obsessionnel omniprésent. Chez Cohen, la quête de l'absolu s'incarne dans une sexualité provocante (homo et bi, orale et masturbatoire) déconstruisant, en délices perfides, les discours hagiographiques jésuites sur Tekakwitha.
« Catherine Tekakwitha, I have come to rescue you from the Jesuits. Yes, an old scholar dares to think big. I don't know what they are saying about you these days because my Latin is almost defunct. "Que le succès couronne nos espérances, et nous verrons sur les autels, auprès des Martyrs canadiens, une Vierge iroquoise, — près des roses du martyre le lis de la virginité." A note by one Ed. L., S.J., written in August 1926 [Cohen 2009, p. 269 ; citation tirée de la préface de Lecompte 1930, p. 6]. »
Cettte citation a inspiré l'iconographie originale et inusitée de la p. couverture de l'édition anglaise de 1992 conçue par David Wood : Tekakwitha, couronnée d'espérance, tient une rose évoquant les martyrs jésuites avec lesquels est associée sa cause de canonisation. |
|
« I. and F. were both raised in a Jesuit orphanage in Montreal. Melancholic I. identifies with victims and losers, such as the "A————" tribe, whose very name is said to mean "corpse in the language of all the neighboring tribes" while F. tries to ignore or overcome his "loser"-ness [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »
« The complex novel makes use of a vast range of literary techniques, and a wealth of allusion, imagery, and symbolism. It is filled with the mysticism, radicalism, sexuality, and drug-taking emblematic of the 1960s era, and is noted for its linguistic, technical, and sexual excesses [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »

1967 Anglais
|

1975 Espagnol
|

2002 Français
|

2002 Catalan
|
L'érotisme, illustré sur la jaquette de la première édition de 1966, se poursuit par un baiser pénétrant en 1967, ainsi que sur plusieurs autres éditions. Les plus explicites montrent la photographie d'un mamelon en 1975 et le profil schématique d'un sein en 2002. Le championnat de la plus provocante doit être attribué à la version catalane montrant un pénis en érection entouré d'un chapelet avec sa croix ! Ces interprétations imagées ne sont que le reflet de la crudité de certains passages.
« Do you know how to see the akropolis like the Indians did who never even had one? Fuck a saint, that's how, find a little saint and fuck her over and over in some pleasant part of heaven, get right into her plastic altar, dwell in her silver medal, fuck her until she tinkles like a souvenir music box, until the memorial lights go on for free, find a little saintly fake like Teresa or Catherine Tekakwitha or Lesbia, whom prick never knew but who lay around all day in a chocolate poem, find one of these quaint impossible cunts and fuck her for your like, coming all over the sky, fuck her on the moon with a steel hourglass up your hole, get tangled in her airy robes, suck her nothing juices, lap, lap, lap, a dog in the ether, then climb down to this fat earth and slouch around the fat earth in your stone shoes, get clobbered by a runaway target, take the senseless blows again and again, a right to the mind, piledriver on the heart, kick in the scrotum, help! help! it's my time, my second, my splinter of the shit glory tree, police firemen! look at the traffic of happiness and crime, it's burning in crayon like the akropolis rose [Cohen 2009, p. 277] ! »
« All at once, and for the first time, Catherine Tekakwitha knew that she lived in a body, a female body! She felt the presence of her thighs and knew what they could squeeze, she felt the flower life of her nipples, she felt the sucking hollowness of her belly, the loneliness of her buttocks, the door ache of her little cunt, a cry for stretching, and she felt the existence of each cunt hair, they were not numerous and so short they did not even curl! She lived in a body, a woman's body, and it worked! She sat on juices [Cohen 2009, p. 317-318]. »
Malgré son expression verbale crue, voire vulgaire et pornographique, Cohen aspire à une sexualité mystique, comme dans l'hindouisme mis à la mode par les Beatles, dans les années 1964-1965, ou le tantrisme.
Dans une lettre à son éditeur, il s'enorgueillit d'ailleurs d'avoir « written the Bhagavad Gita of 1965 [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf] » !
Cette catharsis n'est seulement possible qu'en se libérant des tabous judéo-chrétiens à l'égard de la sexualité en les annihilant ! Cohen s'applique et y réussit fort bien.
Le terme « mystic », et ses dérivés, reviennent à plusieurs reprises.
« "Pity the guys in there, Brevman - and don't say it," he added quickly when he saw Breavman put on his mystical face [Cohen 2009, p. 64]. »
« We all want to be Chinese mystics living in thatched huts, but getting laid frequently [Cohen 2009, p. 218]]. »
« How I want the world to be mystical and good [Cohen 2009, p. 269] ? »
« Listen F., don't give me any of your mystical shit [Cohen 2009, p. 273]. »
« F. said: The atmosphere of a movie theater is a nighttime marriage of a man's prison and a woman's prison; the prisoners know nothing about it - only the bricks and gates have combined; in the ventilation system the mystic union is consummated: the smelles absorb each other [Cohen 2009, p. 291]. »
« I'll pass off F.'s sayings as my own, become a wit, a mystic wit [Cohen 2009, p. 302]. »
« Listen, old man, in the hollow of my hand I hold a mystic drop which can snatch you from an eternity of woe [Cohen 2009, p. 392]. »
« F. slid back into the reverent knot which had hoisted him, his clenched fist raised above him like the periscope of a diving sub. And now, as if the presence of this veteran conferred a new mystic urgency, the speaker began to speak, almost to chant [Cohen 2009, p. 400]. »
« A piece of costume jewelry squeezed in the navel like a caste mark completed the comic piecture of an exotic fortune teller of mystic [Cohen 2009, p. 402]. »
Cohen aurait d'ailleurs consulté plusieurs ouvrages d'écrits mystiques.
« He also read Emanuel Swedenborg extensively: the first two volumes of Arcana Cœlestia, Divine Providence and Divine Love and Wisdom. He would meet with other writers at the Hydra colony to discuss works such as the Book of Revelation, the I Ching, The Secret of the Golden Flower and The Tibetan Book of the Dead. Cohen brought works by Martin Buber and Gershom Sholem to these meetings [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »
|

1993 Français

1997 Portugais
|
1966.06
Photo Armour Landry (1955.09) du bronze de Brunet, Kateri seals, Timbres-cachets de Kateri, Aidez sa cause, Help her cause, Ven. Kateri, Centre Kateri Center, Caughnawaga [Que.] (KC AKR P040-1, feuille de timbres). Leur vente, 1$ la feuille soit 8,55$ en 2020, « a payé l'impression du dernier numéro de Kateri, un peu plus de $2,000 » soit 16,000$ de 2020. L'Association Kateri-Tekakwitha rejoint 10 000 membres. Utilisé dans la propagande d'Henri Béchard contre le « livre pornographique » de Leonard Cohen, Beautiful Losers qui n'a pas porté fruit puisqu'il a été traduit en de multiples langues et éditions de façon continue jusqu'à nos jours (Nadeau 2007.04.21), puis par la suite comme simple illustration ou pour diverses autres causes dont l'avortement.
— (Kateri 1966.06-E069p10 ; 1966.06-F026p10 ; 1970.09-E085p03 ; 1970.09-F042p03 ; 1970.12-E086p03 ; 1970.12-F043p03 ; 1971.03-E087p05 ; 1971.03-F044p05 ; 1971.06-F045p10 ; 1971.12-F047p08 ; 1971.12.25-E090p08 ; 1972.03-E091p08 ; 1972.03-F048p08 ; 1972.06-E092p12 ; 1972.06-F049p12 ; 1972.09-E093p08 ; 1972.09-F050p08 ; 1973.03-E095p10 ; 1973.03-F052p10 ; 1973.06-E096p10 ; 1973.06-F053p10 ; 1973.09-E097p08 ; 1973.09-F054p08 ; 1973.12-E098p10 ; 1973.12-F055p10 ; 1974.03-E099p08 ; 1974.03-F056p08 ; 1974.06-E100p12 ; 1974.06-F057p12 ; 1974.06-F057p17 ; 1974.09-E101p08 ; 1974.09-F058p08 ; 1974.12-E102p10 ; 1974.12-F059p10 ; 1975.03-E103p10 ; 1975.03-F060p10 ; 1975.06-E104p08 ; 1975.06-F061p08 ; 1975.09-E105p08 ; 1975.09-F062p08 ; 1975.12-E106p08 ; 1975.12-F063p08 ; 1976.03-E107p08 ; 1976.03-F064p08 ; 1976.06-E108p10 ; 1976.06-F065p10 ; 1977.03-E111p10 ; 1977.03-F068p10 ; 1977.06-E112p10 ; 1977.06-F069p12 ; 1977.09-E113p10 ; 1977.09-F070p10 ; 1977.12-E114p12 ; 1977.12-F071pp12 ; 1978.03-E115p12 ; 1978.03-F072p12 ; 1978.06-E116p12 ; 1978.06-F073p12 ; 1978.09-E117p12 ; 1978.09-F074p12 ; 1978.12-E118p12 ; 1978.12-F075p12 ; 1979.03-E119p12 ; 1979.03-F076p12 ; 1979.06-E120p12 ; 1979.06-F077p12 ; 1979.12-E122p10 ; 1979.12-F079p10 ; 1980.03-E123p12 ; 1980.03-F080p12 ; 1980.06-E124p12 ; 1980.06-F081p12 ; 1980.12-E126p10 ; 1980.12-F083p10 ; 1981.03-E127p12 ; 1981.03-F084p12 ; 1981.06-E128p12 ; 1981.06-F085p12 ; 1981.09-E129p12 ; 1981.09-F086p12 ; 1981.12-E130p10 ; 1981.12-F087p10 ; 1982.03-E131p10 ; 1982.03-F088p10 ; 1982.06-E132p12 ; 1982.06-F089p12 ; 1982.09-E133p10 ; 1982.09-F090p10 ; 1982.12-E134p10 ; 1982.12-F091p10 ; 1983.03-E135p12 ; 1983.03-F092p12 ; 1983.06-E136p12 ; 1983.06-F093p12 ; 1983.09-E137p10 ; 1983.09-F094p10 ; 1983.12-E138p12 ; 1983.12-F095p12 ; 1984.03-E139p12 ; 1984.03-F096p12 ; 1984.06-E140p12 ; 1984.06-F097p12 ; 1984.09-E141p10 ; 1984.09-F098p10 ; 1985.03-E143p12 ; 1985.03-F100p12 ; 1985.06-E144p12 ; 1985.06-F101p12 ; 1985.09-E145p12 ; 1985.09-F102p12 ; 1985.12-E146p12 ; 1985.12-F103p12 ; 1986.03-E147p12 ; 1986.03-F104p12 ; 1986.06-E148p12 ; 1986.06-F105p12 ; 1986.09-E149p10 ; 1986.09-F106p10 ; 1986.12-E150p12 ; 1986.12-F107p12 ; 1987.03-E151p12 ; 1987.03-F108p12 ; 1987.06-E152p12 ; 1987.09-E153p12 ; 1987.09-F110p12 ; 1987.12-E154p12 ; 1988.03-E155p08 ; 1988.03-F112p08 ; 1988.06-E156p12 ; 1988.06-F113p12 ; 1988.09-E157p12 ; 1988.09-F114p12 ; 1988.12-E158p12 ; 1988.12-F115p12 ; 1989.03-E159p12 ; 1989.03-F116p12 ; 1989.06-E160p12 ; 1989.06-F117p12 ; 1989.09-E161p12 ; 1989.09-F118p12 ; 1989.12-E162p12 ; 1989.12-F119p12 ; 1990.03-E163p10 ; 1990.03-F120p10 ; 1990.06-E164p06 ; 1990.06-F121p06 ; 1990.09-E165p06 ; 1990.09-F122p06 ; 1990.12-E166p06 ; 1990.12-F123p06).
— VOIR AUSSI : (Kateri 1957.12-F001p36 ; 1963.09-12-F015p29). |
|
Il n'est pas surprenant que les jésuites aient très mal pris ce rapt et cette défloration de leur précieuse Tekakwitha ! Mais à cette époque, le pouvoir de la hiérarchie catholique commence à s'effriter et s'éroder. Elle ne peut donc plus, de son autorité suprême, en empêcher la publication. Elle ne peut que le consigner dans « l'enfer » des livres...! Une réponse horrifiée se devait d'être publiée par le jésuite Henri Béchard, dans le périodique Kateri, en déclarant l'ouvrage pornographique et blasphématoire. Invectives moultes fois reprises sous l'égide d'une reproduction, sous forme de timbre-cachet, de leur cher monument de Caughnawaga conçu par Émile Brunet.
Cette croisade, adressée aux dévots de Tekakwitha, les a certainement perturbés, mais n'a pas empêché la diffusion de Beautiful Losers. On y perçoit nettement une pointe de jalousie et d'exagération dans les chiffres de ses ventes gonflés à « 500,000 » en 1970.
« The pre-publication orders of 3,100 copies were more than expected. [...] The $6.50 cover price [soit l'équivalent de 50,69 $ en 2020] dampened sales as well. Cohen thought it too high, but McClelland explained it was necessary to offset the publication costs and extensive promotion. [...] Despite a lavish rollout, sales were disappointing, and critics were initially unsympathetic or hostile. The book gained critical and commercial attention only after Cohen had given up novel-writing and turned to the songwriting and performing upon which his fame rests today. Beautiful Losers has come to be seen as having introduced postmodernism into Canadian literature. It has become a steady seller, and is considered a part of the Canadian literary canon [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »
« Depuis quand un succès de librairie prouve-t-il la valeur d'un livre ? Leonard Cohen, qui a très probablement été l'inspiration profonde de Lever [Les maudits sauvages de Jean Pierre Lefebvre], a écrit un livre obscène au sujet de la vénérable Kateri Tekakwitha — au-delà des siècles il a voulu forniquer avec elle ! L'auteur a vendu au moins 500,000 exemplaires de cette ordure et il a failli laisser un enfant — la médaille du gouverneur général du Canada. L'enfant n'est pas venu ; Cohen s'est fait avorter : il a refusé la décoration [Henri Béchard, « Du bousillage dans Relations, Les maudits sauvages d'Yves Lever », commentaires à propos de l'article de Yves Lever, « Pour reviser quelques notions d'histoire, "Les maudits sauvages", de Jean-Pierre Lefebvre », Relations, décembre 1971 p344-345. — (Kateri 1972.03-F048p15-25).]. »
Le chiffre total des ventes aurait atteint 3 millions d'exemplaires en 2007 [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. |
|
Béchard a pris très au sérieux l'ambivalent panthéisme religieux de Cohen (voir ci-dessus sur son mysticisme, ainsi que l'analyse de Cardinal 1997.10) qui, maître de l'autodérision et de la modestie affectée, en appelle à ne pas considérer son oeuvre trop sérieusement, alors qu'il en gère une exemplaire et lucrative diffusion mondiale.
« Dear Reader, Thank you for coming to this book. It is an honor, and a surprise, to have the frenzied thoughts of my youth expressed in Chinese characters. I sincerely appreciate the efforts of the translator and the publishers in bringing this curious work to your attention. I hope you will find it useful or amusing.
When I was young, my friends and I read and admired the old Chinese poets. Our ideas of love and friendship, of wine and distance, of poetry itself, were much affected by those ancient songs. Much later, during the years when I practiced as a Zen monk under the guidance of my teacher Kyozan Joshu Roshi, the thrilling sermons of Lin Chi (Rinzai) were studied every day. So you can understand, Dear Reader, how privileged I feel to be able to graze, even for a moment, and with such meager credentials, on the outskirts of your tradition.
This is a difficult book, even in English, if it is taken too seriously. May I suggest that you skip over the parts you don’t like? Dip into it here and there. Perhaps there will be a passage, or even a page, that resonates with your curiosity. After a while, if you are sufficiently bored or unemployed, you may want to read it from cover to cover. In any case, I thank you for your interest in this odd collection of jazz riffs, pop-art jokes, religious kitsch and muffled prayer æ an interest which indicates, to my thinking, a rather reckless, though very touching, generosity on your part.
Beautiful Losers was written outside, on a table set among the rocks, weeds and daisies, behind my house on Hydra, an island in the Aegean Sea. I lived there many years ago. It was a blazing hot summer. I never covered my head. What you have in your hands is more of a sunstroke than a book.
Dear Reader, please forgive me if I have wasted your time. Los Angeles, February 27, 2000 Leonard Cohen [préface pour 2003 Chinois, web ou pdf] »
|
|
Le site The Leonard Cohen Open Files reproduit les couvertures des multiples éditions et traductions de Beautiful losers (web ou pdf), qui n'ont pas discontinuées jusqu'à nos jours, identifiées ci-dessous avec la date et la langue, puis le sujet principal et secondaire de l'illustration avec leurs codes de couleurs.
|
1966
Anglais

Érotisme
|
1966
Anglais

Humain
|
1966
Anglais

Nature
|
1967
Anglais

Érotisme
|
1969
Anglais

Cohen
|
1970
Japonais

Humain
|
1970
Anglais

Érotisme
|
1971
Néerlandais

Texte
|
1971
Suédois

Cohen
|
1972
Allemand

Érotisme
|
1972
Anglais

Texte
|
1972
Danois

Cohen
|
1972
Français

Cohen
|
1972
Français

Cohen
|
1972
Italien

|
1972
Anglais

Texte
|
1973
Français

Cohen
|
1975
Espagnol

Érotisme
|
1980
Japonais

Texte
|
1986
Norvégien

|
1991
Anglais

Tekakwitha |
1991
Anglais

Humain
|
1991
Anglais

Tekakwitha |
1992
Anglais

Tekakwitha |
1993
Français

Érotisme
|
1993
Anglais

Érotisme
|
1995
Polonais

Cohen
|
1996
Japonais

Érotisme
|
1996
Slovène

Érotisme
|
1997
Portugais

Érotisme
|
1997
Tchèque

Femme utochtone
|
1998
Suédois

Tekakwitha |
1998
Croate

Cohen
|
1998
Espagnol

Religion
|
1999
Hébreu

Érotisme
|
2000
Turc

Autochtone
|
2001
Anglais

|
2002
Catalan

|
2002
Braille Anglais

Tekakwitha |
2002
Français

Érotisme
|
2002
Russe

Cohen
|
2003
Anglais

Humain
|
2003
Audio Anglais

Tekakwitha |
2003
Finnois

|
2003
Italien

Érotisme
|
2003
Roumain

Cohen
|
2003
Chinois

Cohen
|
2004
Norvégien

Cohen
|
2005
Lituanien

Humain
|
2005
Polonais

Érotisme
|
2005
Russe

|
2006
Hongrois

Érotisme
|
2007
Anglais

Humain
|
2008
Anglais

Érotisme
|
2008
Russe

Érotisme
|
2008
Turc

Érotisme
|
2008
Turc

Cohen
|
2009
Espagnol

Érotisme
|
2009
Bulgare

Érotisme
|
2009
Slovène

|
2009
Anglais

Texte
|
2009
Anglais

Cohen
|
2011
Croate

Cohen
|
2012
Grec

Cohen
|
2013
Allemand

Érotisme
|
2014
Italien

Nature
|
2014
Serbe

Érotisme
|
2015
Roumain

Cohen
|
2015
Turc

Cohen
|
2017
Espagnol

Érotisme
|
2018
Anglais

Texte
|
2018
Italien

Cohen
|
2018
Audio Anglais

Érotisme
|
2019
Français

Texte
|
|
D'après ce relevé des pages couvertures, le livre a été édité en 27 langues où l'anglais représente 31% des publications, immédiatement suivi par le français (8%). Quatorze langues ont connu plusieurs éditions et treize une seule.
Les éditions se multiplient au fur et à mesure que la popularité de Cohen grandit, avec un sommet de 27 (36%) en 2000-2009. Elles débutent doucement dans les années soixante (7%), augmentent dans les années soixante-dix (18%), chutent dans les années quatre-vingt (3%) pour reprendre dans les années quatre-vingt-dix (20%) et décliner dans la décennie 2010-2019.
Les pages couvertures misent à 36% sur l'érotisme et à 27% sur l'auteur, pour un total de 63%, dont deux simultanément (1986, 2001). Les autres se partagent entre du texte seul (9%), des figures schématisées d'humain (8%) dont certaines pourraient être Cohen, la nature (5%), 5 iconographies autochtones (1997 Tchèque, 2000 Turc, 2003 Finnois, 2005 Russe, 2009 Slovène) et 3 religieuses (chapelet 1998 Espagnol et 2002 Catalan, croix 2005 Russe). La polyvalence ambigüe de la rose peut évoquer l'amour érotique (1996 Japonais, 1999 Hébreu) ou religieux (1992 Anglais).
|
|
|

Leonard Cohen dans sa maison à Montréal avec le portrait de Tekakwitha par John Steele (web ou pdf).
|

1998 Suédois couverture
|

1998 Suédois rabat
|

1998 Suédois rabat
|
L'édition spéciale suédoise de Beautiful Losers par Bakhåll, parue en 1998 sous le tite Sköna förlorare et accompagnée d'un CD, a été tirée à 2 000 exemplaires. La couverture reproduit une version monochrome de l'oeuvre peinte par l'Ordo Dei Matri (Ordre de la Mère de Dieu), du Monastère des Apôtres de l'Amour Infini au Québec, qui illustre la Vie de Catherine Tekakwitha, vierge iroquoise dont la première publication par Nicolas Victor Burtin en 1894 a été revue et augmentée par leur maison d'édition Magnificat en 1980 (Burtin 1980). Le bureau de Cohen à Los Angeles aurait été décoré de cette image (The Leonard Cohen Files, web ou pdf). |
Les rabats de la couverture sont ornés d'un autre portrait de Tekakwitha accompagné de la prière pour sa canonisation. Il a été publié après sa béatification en 1980, tel qu'indiqué au verso. Apparemment, Cohen en avait toujours un exemplaire dans son porte-monnaie : « Cohen explains that he has always been influenced by Catherine, his angel: "She still speaks to me" [The Leonard Cohen Files, web ou pdf]. » Cette image dévote idyllique est une oeuvre de John Steele à l'occasion de la béatification en 1980. |
Cohen relate les apparitions de Tekakwitha à Chauchetière l'enjoignant à la peindre. Perspicace, il met cependant en doute l'attribution du portrait à l'huile conservé à Kahnawake, que l'on sait avoir été peint en 1843 par Joseph Légaré, tout en soulevant des questionnements, dans l'une de ses nombreuses phrases sybillines, sur le rôle de Cholenec.
« Le P. Chauchetière was favored with two more visions, one on July 1, 1681, the other on April 21, 1682. On both occasions Catherine appeared to him in her beauty, and he heard her say distinctly:
— Inspice et fac secundum exemplar. Regarde, et copie ce modèle. Look, and copy this model.
Then he painted many portraits of his visionay Catherine, and they worked perfectly when placed on the head of the sick. At Caughnawaga today there is a very ancien canvas. Is this the one that le P. Chauchetière painted? We will never know. I pray that it will work for you. But what about le P. Cholenec? All the others had their candy. Where were his movies? It is he whom I most resemble, as he endures without so much as a cartoon spark, hunted only by the Papacy [Cohen 2009, p. 491]. »
|
|
|
Doit-on, pour autant, sanctifier Cohen comme le font ses fans ? En fin de compte, l'intervention de Tekakwitha a permis sa lucide synthèse sur le contexte politique trouble de ces années soixante...
« Natives are seen as being displaced by the French, while the English displace the French, and are themselves oppressed by the Americans. The English and French in Canada are seen as both oppressors and oppressed, which ties F. and I. together. According to F., the Québécois are able to come together under their feeling of oppression by the anglophones, but anglophone Canada is unable to bring together a national identity to distinguish themselves from the Americans [« Beautiful Losers », Wikipedia, web ou pdf]. »
Les pistes interprétatives ouvertes par Cohen sont également exploitées par Jean Pierre Lefebvre qui leur donne des dimensions cinématographiques avec sa « tékacouita »...
« Reading a biography of Leonard Cohen inspired Cecelia Fuentes to create a portrait of the Canadian singer-songwriter in the Byzantine style of iconography [web ou pdf]. » |
Collaboration de Jean Pierre Lefebvre, 22 juillet 2020.
Avec la connaissance historique et mythologique appropriée, un des hippies de la fin des Maudits sauvages aurait pu écrire Beautiful losers. Mais pas moi. Je n'aurais su, ni voulu, plonger dans le chaos existentiel et stylistique d'un semblable cocktail à la Henry Miller, Claude Gauvreau et Allen Ginsberg. Et je m'interroge sur les intentions de Cohen en se vouant à sainte Tekakwitha et ses jésuites ; ce sont les seuls personnages attachants de son histoire (Histoire), si bien qu'elle devient une élégie à la gloire de Kateri et une apologie des mal-saints martyrs jésuites. J'aurais, moi aussi, souhaité à l'instar de Cohen : Ô Monde, si seulement je pouvais être un Mohawk qui rêve. Voilà qui me suffirait amplement. [Cohen 2019, p. 162, traduction de O sky, let me be sick Indian. World, let me be dreaming Mohawk. Cohen 2009, p. 406.] |